Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Le Baptême du Prince impérial
Thomas Couture (Senlis, 1815 – Villiers-le-Bel, 1879)

Illustrations de comparaison
Thomas Couture, « Napoléon Ier », étude pour Le Baptême du Prince impérial, plume, château de Compiègne, C.52.011/3.
Thomas Couture, Le Baptême du Prince impérial, étude d’ensemble, crayon noir sur papier bleu, château de Compiègne, INV. C.50.071.
Jules Gaildrau, Baptême de Sa Majesté le Prince impérial à Notre-Dame de Paris, le 14 juin 1856, lithographie, 1856, château de Compiègne, INV. C.52.041/80.
Historique

Commande orale passée à Thomas Couture quelques jours avant le baptême du Prince impérial, le 14 juin 1856 ; versement le 2 juillet 1856 d’une somme de 5 000 francs à titre d’indemnité pour les études préparatoires au tableau ; second versement d’un montant de 2 000 francs par arrêté du 15 janvier 1857 ; régularisation de la commande par arrêté du 29 mai 1861 ; versement d’un troisième acompte de 3 000 francs le 14 juin 1861 et d’un quatrième de 5 000 francs en 1862 ; réclamation pour la livraison de l’œuvre le 21 juin 1865, indiquant qu’elle était destinée aux galeries historiques de Versailles ; deuxième relance le 1er décembre 1868 ; troisième relance le 30 juin 1869, menaçant l’artiste de devoir rembourser les acomptes perçus. Inventaire après décès de Thomas Couture, 12 mai 1879, no 129 ; remboursement à l’administration des acomptes par la veuve de l’artiste. Indivision Couture, état du 16 février 1884, no 69. Jeanne Couture, épouse Risler, puis Grodet, fille de l’artiste ; marouflé au plafond de son hôtel particulier à Neuilly-sur-Seine. Camille Grodet-Moatti. Don avec réserve d’usufruit en 1971. Entré au château de Compiègne le 19 août 1976.

Commentaire

Né le 16 mars 1856, Napoléon Eugène Louis Jean Joseph, fils de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, fut baptisé à Notre-Dame de Paris le 14 juin de la même année. La France sortait de deux années de conflit en Crimée où elle était intervenue victorieusement aux côtés des Anglais pour défendre l’Empire ottoman contre la Russie. En mars 1856, Napoléon III accueillit dans sa capitale les représentants des grandes puissances pour les négociations de paix qui se conclurent par la signature du traité de Paris. La conjonction de ces différents événements ne pouvait que consolider les assises du régime.

Ce fut dans ce contexte que la création d’un musée consacré aux faits de gloire civils et militaires du nouvel Empire fut envisagée pour faire suite au musée de l’Histoire de France établi au château de Versailles par Louis-Philippe. Le baptême du Prince impérial fut inscrit sur la liste des sujets à traiter. Quelques jours avant la cérémonie, Thomas Couture reçut la commande verbale d’un tableau immortalisant celle-ci. Il put y assister et toutes facilités lui furent accordées pour mener à bien son travail. Le peintre put notamment prendre contact avec les autorités religieuses et obtenir des séances de pose de certains protagonistes. Il fut également invité à séjourner à Compiègne avec le couple impérial et la cour du 2 au 8 novembre 1856.

La préparation de cette composition est bien documentée, principalement par les quatorze études peintes et la quarantaine de dessins conservés dans les collections du château de Compiègne. Il en existe un dessin d’ensemble assez développé et mis au carreau (Rouen, musée des Beaux-Arts, donation Baderou), ainsi que deux croquis plus proches du parti final (château de Compiègne, INV. C.50.071 recto ; Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, INV. R.F. 24223 recto ; Boime 1980 (1), fig. VIII.29). Parmi les belles feuilles d’études de détail conservées à Compiègne, mentionnons celles représentant la tête du Prince impérial (INV. C.64.020), un coussin (INV. C.53.021), ou encore un diacre (INV. C.53.020), ainsi qu’un profil de l’impératrice Eugénie acquis en 2016 (INV. C.2016.008). Quelques études peintes sont connues en dehors du fonds compiégnois, notamment celle pour la figure de monseigneur Sibour (1792-1857), archevêque de Paris (Paris, musée Carnavalet, INV. P.2540 ; Bruson, Leribault 1999, p. 142, repr.), dont l’artiste a fait un tableau autonome, et celle pour le buste du cardinal Patrizi (Paris, coll. part.). Une étude pour la figure du chasseur à pied est passée en vente à New York (Christie’s, 30 avril 2019, lot no 25).

Couture avait été chargé de donner une image fidèle du baptême. Il prit cependant le parti d’en proposer une lecture symbolique. La scène est dominée par la figure de Napoléon Ier en gloire, accompagné de l’aigle impériale. Il bénit l’assemblée, tout particulièrement ses descendants, et les drapeaux qui se trouvent devant lui. Son geste double celui du cardinal Costantino Patrizi Naro (1798-1876), légat du pape Pie IX, le parrain du prince, et l’écrase de toute sa majesté. La filiation dynastique l’emporte sur le pouvoir sacramentel. Couture s’en expliqua dans son ouvrage Méthode et entretiens d’atelier : « Cette cérémonie qui reçoit l’enfant dans le sein de l’Église, si elle est représentée d’une façon réelle, n’aura que les côtés touchants de la grande unité chrétienne ; mais vous remarquerez que dans cette circonstance, c’est un prince qui doit continuer une dynastie, c’est une espérance nationale. […] La nation voit un héritier direct pour une dynastie qu’elle a acclamée, elle voit dans cet enfant des garanties d’ordre, fortifiées par de grands souvenirs, c’est enfin ce qui est, consolidé dans l’avenir. […] Cet enfant sera reçu dans le sein de l’Église, cette grande force morale qui domine tout. L’armée, à son tour, dans ce qu’elle a de simple et dévoué, lui servira de protection ; mais la plus importante des forces, celle du souvenir, paroît : Napoléon Ier descend sur terre pour bénir sa descendance, et touche ses aigles de sa redoutable épée11. Thomas Couture, Méthode et entretiens d’atelier, Paris, s.n., 1867, p. 280-281.. » Ce choix iconographique est d’autant plus significatif que l’éclat donné au baptême du Prince impérial compensa d’une certaine manière le renoncement de Napoléon III à se faire sacrer par le pape en raison des conditions posées par celui-ci. Au sortir de Notre-Dame, l’empereur aurait dit : « Pareil baptême vaut un sacre ». D’ailleurs, Couture imagina vraisemblablement son tableau comme le pendant de celui de Jacques Louis David (1748-1825), Sacre de Napoléon Ier et couronnement de l’impératrice Joséphine (1806-1807, Paris, musée du Louvre).

Comme dans la toile de David, la composition se déroule en frise dans un souci de hiérarchisation et de clarté caractéristique d’une grande machine officielle. Elle s’ordonne autour du triangle que forment Napoléon Ier et le cardinal légat avec l’impératrice Eugénie dont la figure se détache. Agenouillée, à l’instar de Joséphine, enveloppée d’une « religieuse auréole », « [elle] prie pour son enfant… tout s’efface devant cette maternité22. Thomas Couture, Méthode et entretiens d’atelier, Paris, s.n., 1867, p. 282. ». L’empereur se tient debout derrière elle, au premier plan, encore grandi selon le peintre par sa modestie. Il est suivi de ses cousins, le prince Napoléon (1822-1891), la princesse Mathilde (1820-1904) et lady Hamilton (1817-1888), fille de la grande-duchesse Stéphanie de Bade. Le personnage masculin qui se tient à la gauche du prince Napoléon a été diversement identifié. Albert Boime y voyait un prince Murat, mais cela paraît peu plausible. Ses traits ne semblent pas non plus correspondre à ceux du prince Oscar de Suède, dont la mère, née Joséphine de Leuchtenberg (1807-1876), était une cousine de Napoléon III et la marraine du Prince impérial. Ses cheveux longs et son visage imberbe détonnent avec l’uniforme qu’il porte. Il pourrait s’agir du prince Lucien Louis Joseph Bonaparte (1828-1895), un autre cousin de l’empereur, qui s’apprêtait alors à se faire ordonner prêtre. Au second rang, un diacre soutient l’une des hampes du dais portatif qui a accompagné le couple impérial dans sa traversée de la nef. Deux soldats, un zouave et un chasseur à pied en grande tenue avec son shako à plumet (et non le prince Oscar, comme on a pu l’écrire), incarnent la protection de l’armée, de même qu’un cuirassier dont on aperçoit juste le casque. Ils portent les drapeaux de leurs régiments, sur lesquels des feuilles de laurier et des noms de batailles proclament la victoire récente des troupes françaises en Crimée. L’introduction de ces types s’est faite aux dépens du groupe de la famille impériale, beaucoup plus étoffé dans les premiers croquis.

Au centre de la composition, le Prince impérial, de face, l’air grave et mélancolique, est élevé devant le cardinal légat par madame Bruat, gouvernante des Enfants de France. Entre ces deux personnages sont agenouillées deux dames qui soutiennent les pans de la robe du petit prince. Celle figurée de dos au premier plan est la grande-duchesse Stéphanie de Bade (1789-1860), fille adoptive de l’impératrice Joséphine et représentante de la marraine, la reine de Suède. Quant à l’autre, il s’agit sans doute de l’une des six dames du Palais de l’impératrice chargées de porter les honneurs. Assis sur une estrade, le cardinal Patrizi domine ce groupe. Il est assisté de deux diacres portant le missel et le bougeoir épiscopal, ainsi que de plusieurs prélats. Les deux situés immédiatement à sa droite (tenant la crosse épiscopale) et derrière lui sont des membres de sa suite. Le second a souvent été désigné comme étant le nonce apostolique, le cardinal Carlo Sacconi (1808-1889). La présence sur le marché de l’art d’une étude peinte pour ce personnage permet de connaître son nom : selon l’inscription portée par Couture lui-même sur la toile, il s’agit de don Pietro Nardi. Son rôle exact dans la suite du légat n’est pas connu. Comme nous l’apprend le journal L’Univers du 1er juin 1856, le cardinal Patrizi était officiellement accompagné de trois prêtres, monseigneur Annibale Capalti (1811-1877), conseiller d’État et secrétaire de la Congrégation des rites, monseigneur Raffaelle Monaco La Valletta (1827-1896), prélat domestique de Sa Sainteté, président de l’Académie de l’Immaculée Conception, et monseigneur Pietro Giannelli (1807-1881), auditeur de la Rote. Le personnage qui tient la crosse peut être identifié comme étant monseigneur Capalti. À la gauche de don Pietro Nardi, se tient un chanoine de Notre-Dame portant une mosette, l’abbé Églée, vicaire général et maître des cérémonies de la cathédrale. Il est chargé du plateau contenant les saintes huiles. Derrière lui, en haut des marches, deux enfants de chœur tenant des cierges encadrent le crucifère papal. Vêtu du costume des chapelains secrets (soutane violette et ferraiolo noir), celui-ci tient la croix papale, le légat a latere ayant dans ces circonstances les mêmes prérogatives que le pape lui-même33. Nous tenons à remercier Bernard Berthod des précisions qu’il nous a apportées quant à l’identification des vêtements et objets liturgiques représentés.. Figure imposante avec ses vêtements sacerdotaux richement brodés, monseigneur Sibour, archevêque de Paris, ferme ce second cercle. Assisté d’un diacre et d’un personnage non identifié, il bénit également l’enfant. À l’arrière-plan, on aperçoit la forêt de mitres des évêques de France, assis sur les gradins de la tribune qui leur était réservée dans le chœur.

Comme l’organisation des personnages dans l’espace, le décor est très éloigné de la réalité de la cérémonie telle que l’illustre par exemple une lithographie de Jules Gaildrau (1816-1898). Couture n’a pas rendu justice à la somptueuse décoration conçue pour l’occasion par Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879) et Jean-Baptiste Lassus (1807-1857). Dans la partie gauche, deux piliers et une arcade suffisent à indiquer l’architecture de Notre-Dame, dont la perspective est totalement déformée pour les besoins de la composition. En effet, les marches où se tient le crucifère papal sont celles qui séparent le chœur de la croisée du transept. La tribune des évêques était dans l’axe de la nef et devrait donc se trouver derrière lui, et non à sa droite. Le trône du cardinal légat, surmonté d’un petit dais, se trouvait à l’entrée du chœur, derrière un autel sommé d’un grand ciborium et cantonné d’une clôture de chœur. Couture a également fait abstraction de l’aménagement de la croisée du transept : grand dais suspendu, estrade et trônes destinés au couple impérial, fonts baptismaux, tribunes aménagées en encorbellement sur les piliers pour les épouses des ministres et autres personnalités officielles, tout a disparu. Le peintre a ramassé l’action afin de donner davantage de puissance symbolique à sa composition. Il a choisi de mettre l’accent sur l’expression des personnages plus que sur le décorum. Comme il le précisa dans son ouvrage, il voulait faire aimer les puissants en les montrant fragiles et humains. Il s’agissait d’élever la scène à une dimension poétique.

Les propos tenus par Thomas Couture en 1867 dans Méthode et entretiens d’atelier témoignent assez de l’ambition qu’il nourrissait pour cette toile monumentale. Pourtant, le tableau ne fut pas terminé, de même que L’Enrôlement des volontaires de 1792 (Beauvais, musée départemental de l’Oise), autre grand format commandé en 1848 par la Seconde République. Dans divers écrits, complétés par des témoignages, Couture a laissé entendre qu’il avait renoncé à achever les deux œuvres en raison de désaccords avec l’administration impériale ou avec Napoléon III. Ses relations avec le régime furent effectivement complexes et houleuses, pour le Baptême comme pour le décor du pavillon Denon (voir C.50.070). Nous renvoyons à l’étude détaillée qu’en a livrée Françoise Maison en 1989. Selon l’un des élèves de Couture, l’artiste aurait refusé de poursuivre son travail sur le Baptême pour protester contre l’ordre officieux qui lui avait été transmis de ne pas donner suite à la commande de L’Enrôlement. Repoussant ces arguments politiques, forgés selon lui par Couture à la fin des années 1860 et sous la Troisième République, Albert Boime a attribué l’inachèvement des deux compositions monumentales au conflit entre réalisme et idéalisme, entre fini académique et non finito qu’il discernait chez Couture et plus largement dans sa génération. Pierre Vaïsse, sans contester totalement cette analyse, a estimé que le délaissement du tableau était surtout dû à une blessure d’amour-propre.

De fait, l’exécution du Baptême traîna en longueur. Couture fut bientôt distrait de sa grande composition par la perspective d’un autre grand projet, la décoration du pavillon Denon. Les multiples travaux que lui valait une clientèle nombreuse et fortunée l’accaparèrent sans doute également. À partir de 1860, il commença en outre à délaisser Paris pour aller séjourner à Senlis, sa ville natale. Entre-temps, le projet de musée des gloires de l’Empire avait été abandonné, mais l’œuvre demeurait destinée aux galeries historiques de Versailles. La commande fut régularisée en 1861 et le peintre songea sans doute sérieusement à achever sa toile. À plusieurs reprises dans les années suivantes, il réclama à l’administration un atelier assez vaste pour travailler à ses deux grands formats. En 1865, Couture s’adressa au comte de Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-Arts, car il souhaitait présenter les deux tableaux à l’Exposition universelle de 1867. Le dépit de n’avoir pu paraître avec éclat lors de cet événement fut peut-être l’un des éléments qui l’amena peu après à se retirer complètement dans l’Oise. Puis la guerre de 1870 et la chute du régime rendirent le programme iconographique du Baptême définitivement caduc.

L’hypothèse émise par A. Boime rejoint l’accusation d’impuissance souvent portée contre Thomas Couture. Quand le Baptême et L’Enrôlement furent présentés pour la première fois au public lors de l’exposition posthume des œuvres de Couture organisée en 1880 au Palais de l’industrie, certains critiques pointèrent la difficulté qu’aurait eue le peintre à garder le feu de son inspiration dans l’exécution définitive. De fait, les études pour ces deux tableaux séduisent aujourd’hui par la spontanéité de leur facture. La grande toile du Baptême ne possède assurément pas la même force de conviction. Camille Mauclair a résumé assez justement, nous semble-t-il, l’impression qu’elle suscite : « c’est une très noble composition sur un sujet fort ingrat, plus intelligente qu’enthousiaste évidemment. » Elle est restée en majeure partie à l’état d’ébauche. Ainsi, le carroyage d’ensemble et la numérotation des lignes sont encore nettement apparents dans la partie supérieure droite. La composition est dominée par les larges masses jutées de brun, de bleu ou de vert utilisées par Couture pour bâtir l’espace de ses toiles. Le cerne des formes établi au pinceau sur une mise en place au crayon est également très présent. Certaines parties, comme la figure de l’impératrice, sont à peine plus poussées, d’autres ont été frottées de rehauts de couleur pour indiquer les principales lumières, d’autres encore ont reçu un modelé plus solide, telles que la tête de Madame Bruat ou celle du cardinal légat, mais la tonalité d’ensemble reste sourde et le grain de la toile est partout sensible. Le tableau n’est pas verni, ce qui renforce l’impression d’un certain manque d’éclat. Toutefois, si l’on en croit les études préparatoires, pour certaines très contrastées, Couture envisageait un coloris plus lumineux. Il est difficile en voyant aujourd’hui le tableau d’imaginer jusqu’à quel point. En tout cas, le rouge, le bleu, le blanc et l’or devaient dominer, avec des passages de violet et de jaune.

De nombreux repentirs et des lacunes indiquent par ailleurs que l’artiste n’avait pas totalement fixé sa composition ou, du moins, qu’il n’en était pas pleinement satisfait. La plus frappante concerne la figure de l’empereur, dépourvue de tête et de main. Couture a également modifié la position de sa jambe droite, initialement conforme à l’étude conservée à Compiègne (voir C.50.064), et celle de son épée. Quant au groupe de la famille impériale, il était à peu près établi après de nombreux changements, mais le dessin des bras de la princesse Mathilde et de la duchesse de Hamilton présente encore plusieurs variantes superposées. L’hésitation la plus notable porte sur la figure de Napoléon Ier. Couture a tergiversé sur l’attitude à lui donner, comme A. Boime l’a souligné. Les études préparatoires apparues depuis sa publication permettent de renforcer ce constat. L’esquisse de la collection Baderou, sans doute la première pensée arrêtée pour le tableau, montre l’empereur de face, étendant les mains sur l’assemblée, une allégorie de la gloire allongée à son côté, une aigle à ses pieds. Ce groupe occupe toute la moitié supérieure gauche de la composition. Dans les deux croquis d’ensemble qui témoignent du mûrissement du parti définitif, sa silhouette, toujours accompagnée de l’aigle, plane vaguement au-dessus de l’impératrice Eugénie. Couture imagina différentes variantes consignées dans plusieurs petites études rapides à la plume (voir C.2001.008, où elles sont reproduites). Il opta tout d’abord pour une position mi-assise dont la toile garde la trace. En effet, entre l’aigle et la jambe actuelle de l’empereur, on distingue nettement une botte et un second pied dont la position correspond à l’un des croquis conservés (voir l’illustration complémentaire C.52.011/3). Le curieux halo doré qui entoure aujourd’hui Napoléon Ier servit vraisemblablement à masquer cette première tentative. La proportion de la figure était vraisemblablement plus grande. Insatisfait, Couture exécuta une étude avec mise au carreau de l’empereur dans une autre attitude (voir C.2001.008). La peignit-il en camaïeu de gris parce qu’il hésitait encore sur l’aspect à donner à cette apparition ? En tout cas, si la pose était désormais fixée, le geste du bras droit restait à préciser. Après son report sur la toile, Couture l’a dotée d’un avant-bras tendu bénissant qu’il a ensuite masqué par un frottis blanc, esquissant en bistre le départ d’un avant-bras levé. Napoléon aurait-il salué les Napoléonides et les drapeaux ou bien aurait-il brandi l’épée évoquée dans l’ouvrage Méthodes et entretiens d’atelier ? Cet élément essentiel de la composition demeurait en suspens.

Comme A. Boime l’a fait remarquer, la figure de Napoléon Ier sur son nuage manque en l’état actuel de cohérence avec le reste du tableau et complique la lecture de celui-ci. Le groupe du cardinal légat et celui de la famille de Napoléon III et des soldats présentent une unité certaine et un joli mouvement rythmé par les hampes des drapeaux d’un côté, la crosse, la croix et les cierges de l’autre, mais toute la diagonale centrale avec les deux empereurs et l’impératrice n’est pas convaincante. Le traitement du fond architectural, collage de plusieurs points de vue distincts dans la réalité, ne l’est pas non plus. Couture n’avait assurément pas résolu tous les problèmes plastiques liés à sa composition et ce fut sans aucun doute l’une des raisons du retard qu’il prit dans son exécution, puis de son abandon.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. Thomas Couture, Méthode et entretiens d’atelier, Paris, s.n., 1867, p. 280-281.
2. Thomas Couture, Méthode et entretiens d’atelier, Paris, s.n., 1867, p. 282.
3. Nous tenons à remercier Bernard Berthod des précisions qu’il nous a apportées quant à l’identification des vêtements et objets liturgiques représentés.
Bibliographie
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Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Le Baptême du Prince impérial, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=363

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