Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Musées du Second Empire Collections et commandes impériales sous Napoléon III

Collections et commandes impériales sous Napoléon III

Laure Chabanne

La peinture tenait une place essentielle dans les collections rassemblées par Napoléon III et par l’impératrice Eugénie. Dans l’étude qu’elle a consacrée aux achats réalisés sur les fonds de la liste civile sous le Second Empire, Catherine Granger a recensé plus de 700 tableaux11. C. Granger, L’Empereur et les Arts. La liste civile de Napoléon III, 2005.. Leur mode d’acquisition fut varié : si le couple impérial distingua lui-même certaines de ces œuvres lors de ses visites au Salon, tel Berger : hauts plateaux de la Kabylie de Fromentin, choisi au Salon de 1861 par l’impératrice, d’autres furent achetées ou commandées par l’administration des Beaux-Arts à titre d’encouragement aux artistes. Ainsi le goût personnel de l’empereur ou de l’impératrice n’était-il pas toujours déterminant dans les choix effectués. Tout comme la majorité de ses contemporains, l’impératrice Eugénie appréciait tout particulièrement les charmants tableaux de genre et les paysages qui rencontraient un grand succès à cette époque, tandis que Napoléon III distingua des artistes reconnus comme Cabanel, à qui il acheta la Naissance de Vénus au Salon de 1863. De même, le couple confia l’exécution de la plupart de ses portraits à Franz Xaver Winterhalter, artiste favori des cours européennes, en premier lieu de la reine Victoria.

Les œuvres acquises sur la liste civile connurent des destins très divers sous le Second Empire. De nombreux tableaux furent envoyés dans les palais impériaux pour contribuer au décor des appartements, parfois à la requête personnelle de l’empereur ou de l’impératrice. Ce fut le cas de La Grande Vallée d’Optevoz (Isère) de Daubigny, tableau qui entra à Compiègne en 1858, peu après son acquisition au Salon. Quelques-uns rejoignirent le musée de Versailles, où Napoléon III entendait ajouter au musée de l’Histoire de France établi par Louis-Philippe une section consacrée à son propre règne. Ce fut sans doute dans ce but que l’œuvre d’Armand, Réception de la reine Victoria à Boulogne-sur-Mer, 18 août 1855, fut acquise. D’autres furent déposées dans les musées des beaux-arts de province avec la mention « Don de l’Empereur ».

Le couple impérial commanda et acheta également des tableaux avec sa fortune personnelle. L’exemple le plus célèbre en est L’Impératrice Eugénie entourée des dames de sa cour, portrait que l’impératrice a payé à Winterhalter sur ses fonds propres. Il existe peu de sources d’archives concernant ces acquisitions d’ordre totalement privé. Parmi elles figuraient sans doute tout particulièrement des portraits de la famille impériale et de ses proches, destinés à demeurer dans la sphère intime ou à être offerts en cadeau. Le Portrait équestre de l’empereur Napoléon III par Dedreux, donné par Eugénie à son amie Mme Furtado-Heine, en fit certainement partie.

Enfin, de nombreuses peintures furent commandées sur les crédits du ministère de la Maison de l’Empereur, notamment pour le décor monumental des palais et institutions impériales. Ainsi, La Réception des chefs kabyles par l’Empereur Napoléon III de Pils, dont le musée a acquis une esquisse en 2006, commandée en 1861 pour le Musée historique de Versailles, fut finalement placée aux Tuileries.

En septembre 1870, lorsque la défaite de la France face à la Prusse entraîna la chute du Second Empire, nombre de tableaux demeurèrent en place. Certains furent détruits lors des incendies qui ravagèrent le palais de Saint-Cloud en 1870 et celui des Tuileries en 1871, comme la composition originale de Pils mentionnée ci-dessus. Napoléon III fut fait prisonnier sur le front par les Prussiens, et l’impératrice dut fuir précipitamment pour l’Angleterre. Seuls quelques tableaux purent sortir de France dans la tourmente de ces années troubles, dans des conditions qui restent mystérieuses. Tel fut le destin du portrait de Cabanel,L’Empereur Napoléon III, particulièrement cher à Eugénie. Le sort des autres peintures fit l’objet de longues négociations entre l’État français et l’impératrice ou ses représentants. Elles aboutirent en 1881 à la restitution d’un important ensemble de tableaux qui rejoignirent la résidence anglaise de la souveraine en exil, Farnborough Hill.

Après sa mort en 1920, puis celle de son héritier, le prince Victor Napoléon, en 1926, de grandes ventes organisées en 1927 dispersèrent une partie du contenu de cette demeure. Nombre de tableaux aujourd’hui conservés à Compiègne en proviennent. Quelques-uns, restés en possession des héritiers de l’impératrice, sont entrés au château en 1979 avec le fonds Prince Napoléon.

1. C. Granger, L’Empereur et les Arts. La liste civile de Napoléon III, 2005.
Œuvres de l’ensemble