Hortense Schneider
Fille d’un tailleur de Bordeaux où elle naquit le 30 avril 1833, Hortense Schneider rêva dès son enfance de monter sur les planches et apprit le chant et la comédie. Après des débuts modestes au théâtre d’Agen, elle monta à Paris à 22 ans, en 1855, alors que l’Exposition universelle battait son plein. Le compositeur Jacques Offenbach, séduit par sa jolie voix et par son charme, l’engagea sur-le-champ. Hortense joua avec succès dans plusieurs de ses pièces musicales au théâtre des Bouffes-Parisiens. Le maître refusant toutefois d’augmenter son cachet, elle signa avec Cagniard au théâtre des Variétés. Désormais lancée dans la société parisienne, elle fut courtisée par le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, et prit pour amant le « duc des Halles », le très riche duc Ludovic de Gramont-Caderousse.
En 1858, elle quitta momentanément la scène pour mettre au monde un fils, Georges André, qui devait souffrir d’un handicap mental. À son retour à Paris, elle poursuivit sa carrière au théâtre du Palais-Royal. Douée d’un réel talent d’humoriste, elle s’y illustra dans un nouveau genre, la « cascade », où les acteurs improvisaient et se lançaient des plaisanteries. Toutefois, après le départ de son protecteur pour l’Égypte, lasse d’attendre le « grand rôle », elle allait se retirer à Bordeaux lorsque Offenbach lui offrit le rôle-titre dans La Belle Hélène. Créée le 17 décembre 1864 et restée à l’affiche pendant un an, cette opérette connut un immense succès et fit de la chanteuse la reine du Tout-Paris.
Jusqu’en 1870, Hortense Schneider enchaîna les collaborations avec Offenbach dans une série de compositions triomphales : Boulotte dans Barbe-Bleue (opéra bouffe créé aux Variétés le 5 février 1866), la grande-duchesse de Gérolstein dans l’opérette éponyme montée en avril 1867, qui lui valut les hommages des têtes couronnées européennes venues à Paris pour l’Exposition universelle, puis le rôle-titre dans La Périchole (6 octobre 1868). La cantatrice acquit un renom international et partit en tournée en Angleterre, en Écosse et en Irlande en 1868-1869. Elle était à l’apogée de sa gloire lorsque la guerre franco-prussienne éclata.
Après les événements liés à la Commune, l’humeur n’était plus au divertissement musical. Elle quitta définitivement la scène en 1874.
Avec les cachets mirobolants qu’elle avait perçus, et surtout grâce à la générosité de ses amants et admirateurs, Hortense Schneider avait constitué une fortune considérable qu’elle sut gérer habilement. En 1873, elle confia à l’architecte Alfred Férot l’édification d’un somptueux hôtel au 54, avenue du Bois de Boulogne, qu’elle quitta en 1881 pour épouser le comte de Bionne et s’installer en Italie. Le titre de noblesse de ce mari était faux et elle rompit rapidement avec lui. Elle se fit alors construire en 1883 un nouvel hôtel particulier au 123, avenue de Versailles à Auteuil. C’est dans cette demeure confortable mais plus modeste qu’elle vécut avec son fils infirme parmi les souvenirs de sa carrière et de sa gloire passées. Celle qui avait inspiré à Émile Zola le personnage de Nana mena dès lors une existence retirée de dame patronnesse. À partir de 1910, à l’invitation de Mme Poilpot, fille du sculpteur Carrier-Belleuse, elle se consacra à l’Orphelinat des Arts et en devint la présidente d’honneur. C’est à cette œuvre de charité qu’elle légua ses biens à sa mort, le 30 avril 1920, à l’âge de quatre-vingt-sept ans. Selon ses dernières volontés, son hôtel particulier devait être conservé en l’état et devenir la Fondation Hortense Schneider. En 1969, l’hôtel, mal entretenu, étant devenu une charge trop lourde pour les finances de l’association, celle-ci obtint l’autorisation de le vendre à un promoteur. Le bâtiment étant voué à la démolition, l’ensemble du mobilier fut donné par l’Orphelinat des Arts au musée national du château de Compiègne, ainsi que des souvenirs et un ensemble de portraits : effigies de l’artiste dans les rôles qui avaient fait sa gloire, portrait de sa mère, de son fils et de ses chiens favoris.