Vues d’intérieur du Second Empire
La collection du château de Compiègne comprend un ensemble remarquable de vues d’intérieur du Second Empire qui permettent aux visiteurs de se plonger dans l’atmosphère des résidences de cette époque. La mode des vues d’intérieur, d’origine anglaise et germanique, se diffusa en France sous la monarchie de Juillet. Elles étaient le plus souvent réalisées à l’aquarelle par des dessinateurs qui s’étaient spécialisés dans ce genre. Deux séries d’aquarelles représentant les appartements de l’impératrice Eugénie au palais de Saint-Cloud, dues principalement à Fortuné de Fournier, et trois vues d’intérieur des Tuileries par le même artiste, offrent un témoignage exceptionnel sur ces décors réalisés sous le Second Empire, malheureusement détruits en 1870 et 1871.
Les vues exécutées à l’huile par le peintre Sébastien Charles Giraud rivalisent en qualité et en précision avec ces aquarelles. Il s’agit principalement de vues de l’hôtel parisien de la princesse Mathilde (C.51.030, C.51.031, C.70.220 et C.55.081). Le peintre et son frère, l’artiste Eugène Giraud, appartenaient au cercle des proches de la cousine de l’empereur. Ils avaient leurs entrées dans son salon, Eugène donnant même des cours de peinture à la jeune femme (C.70.220 et C.55.081). Aussi Sébastien Charles Giraud restitue-t-il avec aisance et familiarité l’ambiance qui régnait chez la princesse. La vue de sa salle à manger (C.51.031) offre un témoignage précieux tant sur l’aménagement de la pièce, sorte de vaste atrium à l’antique, que sur le rituel précédant le repas et sur la disposition de la table couverte d’argenterie. La vue de son salon (C.51.030) évoque l’atmosphère des soirées où se réunissaient autour d’elle des artistes comme Carpeaux et des hommes de lettres tels que Sainte-Beuve, Théophile Gautier ou les frères Goncourt. Giraud note avec bonheur l’éclairage artificiel de la pièce, qui fait briller les ors et résonner les tons chauds des rideaux et du tapis. Comme dans la vue de la salle à manger, l’importance des plantes vertes dans la décoration apparaît de façon éclatante. Trois vues d’autres pièces peintes par Giraud sont également conservées à Compiègne. D’autres tableaux du peintre représentant cet hôtel ou la résidence de campagne de la princesse à Saint-Gratien sont connus (La Véranda de la princesse Mathilde dans l’hôtel de la rue de Courcelles, aux Arts décoratifs ; autres vues dans des collections particulières).
L’ensemble des vues d’intérieur de Charles Giraud comporte aussi une remarquable vue de la salle des Preuses (C.38.2594) au château de Pierrefonds. Les décors créés par Viollet-le-Duc et les aménagements effectués pour présenter la collection d’armures de l’empereur y revivent tels qu’ils apparaissaient aux invités des séries de Compiègne qui visitaient le château à la fin du Second Empire.
Enfin, un autre groupe de tableaux de Giraud évoque le monde des ateliers d’artistes parisiens. La description de celui de son frère Eugène (C.51.007) est particulièrement précieuse : elle restitue avec un grand luxe de détails l’atelier d’un peintre orientaliste à succès, lieu de travail et de vie, musée où l’artiste s’entoure d’objets fort divers, salon où il reçoit et présente son œuvre à ses clients et à ses amis.
D’autres œuvres des collections de peintures compiégnoises se rattachent encore au genre de la vue d’intérieur, de façon directe ou indirecte. Parmi elles se détache tout particulièrement le tableau de Pierre Tetar Van Elven figurant la collection d’armes rassemblée par le comte de Nieuwerkerke (C.51.004). Il évoque le cadre de travail d’un amateur éclairé, sculpteur lui-même, tandis que Biard, dans Le Salon du comte de Nieuwerkerke, directeur général des musées impériaux, décrit les pièces de réception officielles dont ce grand administrateur des arts jouissait au Louvre.