Le Château de Pierrefonds, restauré

Paul Huet (Paris, 1803 – Paris, 1869)

Acquis au Salon de 1867 sur décision du comte de Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-Arts, par arrêté du 21 juin 1867 (DP 618 ; 4 000 francs). Placé chez le surintendant et restitué en mai 1881 à l’impératrice Eugénie. Sa vente, Londres, 1^er juillet 1927, n^o 57. Acquis dans le commerce d’art parisien en 1987. Comité du 8 octobre 1987. Conseil du 14 octobre 1987. Entré au château de Compiègne le 30 novembre 1987.

En 1857, Napoléon III chargea Viollet-le-Duc de la restauration de la forteresse médiévale de Pierrefonds, distante d’une quinzaine de kilomètres du palais impérial de Compiègne. Si certaines parties, telle que la grande salle d’armes dite salle des Preuses (voir la vue de Charles Giraud, C.38.2594), étaient achevées avant 1870, le chantier de restauration ne fut terminé qu’en 1885, sous la direction du gendre de l’architecte, Maurice Ouradou.
Le paysagiste romantique Paul Huet, ami d’Eugène Delacroix, propose ici de Pierrefonds une vision glorieuse, baignée d’une lumière ensoleillée. Cette toile a pour pendant Les Ruines du château de Pierrefonds (voir C.38.2634), un tableau présenté au Salon de 1868 et qui fut également acquis par la Liste civile. L’artiste envisagea dès l’origine l’exécution d’une paire, mais ne reçut tout d’abord une commande verbale que pour la vue du château restauré. Pierre Miquel a mentionné une lettre qu’il écrivit au président Petit le 26 octobre 1864 de Compiègne et où il déclarait s’occuper « un peu du travail qu’[il] espère avoir…, les deux vues du château de Pierrefonds. » Huet fut également en contact avec Viollet-le-Duc qui l’interrogeait en 1865 : « Et votre Pierrefonds, qu’en faites-vous ? » En juillet de la même année, il racontait à Sollier : « Je suis très fatigué, j’arrive de Pierrefonds où, en plein soleil, j’ai fait, pendant les grandes chaleurs, des études pour une vue du château restauré, qui m’est commandée. Cette restauration sera admirablement faite par Viollet-le-Duc. La restauration a fait de grands progrès, c’est, hélas ! l’art d’aujourd’hui. Cette bagatelle coûtera bien, je pense, une quinzaine de millions ; ce sera beau et fera la fortune du pays. L’Empereur en fait un Windsor et aura là sa galerie d’armures […]¹Fermer1. Lettre à M. Sollier, juillet 1865, publiée dans René-Paul Huet, Paul Huet (1803-1869) d’après ses notes, sa correspondance, ses contemporains, Paris, Renouard / H. Laurens, 1911, p. 411. Un tableau représentant Pierrefonds en cours de restauration, peut-être l’une des études mentionnées par Huet, a été présenté en 1969 à la Heim Gallery à Londres (huile sur panneau, H. 34,5 ; L. 51,5 cm). Voir Paintings by Paul Huet [cat. exp. Londres, Heim Gallery, 16 janvier – 20 février 1969], Londres, Heim Gallery, 1969, n^o 99, repr. Une autre étude faite au même moment est conservée au musée de l’Île-de-France à Sceaux (P.60.26.3). Une aquarelle reproduite par Pierre Miquel, Paul Huet. De l’aube romantique à l’aube impressionniste, Sceaux, éditions de la Martinelle, 1962, p. 150) se rattache également à ce séjour.. » En septembre, il annonçait à son ami Legrain : « J’ai beaucoup travaillé cet été et avancé, je le crois du moins sans en être bien sûr, un tableau qui m’est commandé et que je veux mettre à une des expositions prochaines : le château restauré de Pierrefonds. Je veux y joindre le pendant, les ruines, dont j’ai les études depuis trente-cinq ans au moins ! J’avais espéré mettre ces tableaux de dimensions moyennes, à l’Exposition universelle, mais les conditions sont si peu réglées qu’il est difficile de savoir ce que sera cette exposition et ce que l’on pourra présenter²Fermer2. Lettre à M. Legrain, 12 septembre 1865, publiée dans René-Paul Huet, Paul Huet (1803-1869) d’après ses notes, sa correspondance, ses contemporains, Paris, Renouard / H. Laurens, 1911, p. 412.. » Seul le tableau montrant la forteresse restaurée fut finalement présenté en 1867.
Habituellement plus soucieux d’atmosphère et de lumière que de description, l’artiste s’est attaché à dépeindre avec précision le château. Il a préparé sa composition par un dessin sous-jacent nettement visible par endroits. Le traitement uni des murailles contraste également avec la facture plus heurtée du paysage et des personnages au premier plan. Il est fort probable que Huet s’aida de photographies ou de dessins fournis par Viollet-le-Duc pour représenter fidèlement la forteresse.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne