Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Rendez-vous de chasse de l’empereur Napoléon III à Pierrefonds
François Gabriel Guillaume Lépaulle (Versailles, 1804 – Aÿ, 1886)

Inscription

S.D.b.d. : G. Lepaulle 1863

Historique

Don princesse Murat, née Ney d’Elchingen, au musée de la Vénerie à Senlis en 1935. Dépôt des musées de Senlis au château de Compiègne en juillet 2013.

Commentaire

Cette toile de Lépaulle, surtout connu comme peintre de portraits et de sujets cynégétiques, est dominée par la figure équestre de Napoléon III. L’empereur est représenté de profil dans sa tenue de vénerie, le lampion sur la tête, le fouet à la main et la dague au côté, la plaque de la Légion d’honneur sur la poitrine. Derrière lui se dressent les ruines du château de Pierrefonds, ce qui situe la scène en forêt de Compiègne. La figure du souverain s’associe de manière assez convaincante à la silhouette de cette forteresse médiévale dont il avait confié en 1857 la restauration à Viollet-le-Duc. En revanche, le reste de la composition s’ordonne avec maladresse autour de ces deux éléments. Napoléon III arrête son cheval pour écouter le rapport d’un homme qui s’avance à sa droite pour lui indiquer la direction dans laquelle a fui le cerf. Le visage de ce personnage étant à moitié caché par l’encolure du cheval, il est difficilement identifiable. Il s’agit vraisemblablement du premier veneur, le comte Edgar Ney, prince de la Moskowa (1812-1882) (voir C.38.2052), habituellement chargé de diriger les chasses impériales. Le geste de sa main gantée de blanc attire également l’attention sur la présence du Prince impérial, monté sur un poney. Derrière celui-ci, le marquis Edmond Eugène de Toulongeon (1814-1868), lieutenant de la Vénerie et bras droit de Ney, est plus aisément reconnaissable, quoique ses traits soient aussi en partie dissimulés par la tête de son cheval. Ney et Toulongeon sont figurés à pied, vraisemblablement pour respecter les préséances à l’égard de l’héritier de la couronne. Des piqueurs et des valets de chiens entourent ce groupe. À l’arrière-plan, on aperçoit deux attelages, un break de chasse et une calèche découverte. Les invités des « séries » qui n’avaient pas reçu le « bouton », c’est-à-dire le droit de porter l’uniforme de la Vénerie, avaient la faculté de suivre la chasse en voiture.
Selon Bénédicte Pradié-Ottinger, ce tableau pourrait commémorer la première chasse du Prince impérial en tenue de vénerie, le 11 novembre 186211. Voir E. Jadin, Maison de l’Empereur. La Vénerie, 1852-1870, Paris, Manzi, Joyant et Cie, 1905, p. 25.. Il avait déjà assisté le 14 octobre 1861 à celle organisée à Compiègne en l’honneur du roi Guillaume III des Pays-Bas22. Voir Françoise Maison, « Le Prince impérial : l’éducation traditionnelle d’un héritier dynastique », dans La Pourpre et l’exil. L’Aiglon (1811-1832) et le Prince impérial (1856-1879) [cat. exp. Compiègne, musée national du château, 25 novembre 2004 – 7 mars 2005], Paris, Réunion des musées nationaux, 2004, p. 148-187, p. 160-162.. L’image forgée par Lépaulle enjolive la réalité, car le prince, alors âgé de six ans, était sans nul doute trop jeune pour suivre véritablement l’équipage de la Vénerie. Situant à tort la réception du roi des Pays-Bas en novembre 1862, J.-Cl. Lachnitt indique que Napoléon III redoutait pour son fils les fatigues et les risques de la chasse à courre et que l’enfant se borna à assister à l’hallali, monté sur son poney Bouton d’or mené à la longe par son écuyer Bachon33. Jean-Claude Lachnitt, Le Prince impérial : Napoléon IV, Paris, Perrin, 1997, p. 63. Il s’agissait dans ce tableau de montrer l’héritier du trône dans une activité intimement associée depuis l’Ancien Régime au mode de vie du souverain. De même, le prince accompagna son père dès l’âge de quatre ans en uniforme de grenadier à l’occasion de revues militaires.
Bien que cette œuvre soit aujourd’hui dotée d’un imposant cadre aux armes impériales, les circonstances précises de son exécution ne sont pas connues. Elle fut exposée au Salon de 1863 sans que le propriétaire fût mentionné au livret. Elle n’apparaît pas parmi les commandes et les achats effectués sur le budget de la Liste civile, qui comportent par ailleurs deux tableaux de chasse acquis auprès de l’artiste en 185544. Catherine Granger, L’Empereur et les Arts. La liste civile de Napoléon III, Paris, École des chartes, 2005, p. 574.. La toile fut-elle peinte pour Napoléon III ou l’un des membres de la Vénerie impériale ? Après son envoi au Salon, on perd sa trace jusqu’à son entrée en 1935 dans les collections du musée de la Vénerie par un don de Marie-Cécile Ney d’Elchingen (1867-1960), veuve du prince Joachim Napoléon Murat (1856-1932). La princesse fut l’une des premières donatrices de ce musée alors en cours de constitution et assura la vice-présidence de sa société d’amis.
Lépaulle ayant peint les équipages des princes de Wagram, Bénédicte Pradié-Ottinger a suggéré que le tableau leur avait peut-être appartenu dans la mesure où la mère du prince Murat n’était autre que Malcy Berthier de Wagram (1832-1884). Il nous paraît toutefois plus probable que ce tableau provienne de la famille Ney. En effet, Marie-Cécile, fille aînée de Michel Aloys Ney (1835-1881), petit-fils du maréchal Ney (1769-1815), était la petite-nièce d’Edgar Ney. Devenu grand veneur après la mort du maréchal Magnan (1791-1865) qui n’avait exercé cette fonction qu’à titre honorifique, Ney conserva après 1870 un ensemble de tableaux relatifs à la Vénerie impériale. Il décéda en 1882 sans postérité directe. Une partie de sa collection revint aux fils qu’avait eus son épouse, Clotilde de la Rochelambert (1829-1884), de son premier mariage avec le comte Georges de la Bédoyère (1814-1867). C’est ainsi que le cadet, Georges Jean Louis Marie dit Jehan de la Bédoyère (1853-1931), légua plusieurs tableaux relatifs à la Vénerie au château de Compiègne (voir C.38.2042, C.38.2043, C.38.2044, C.38.2045, C.38.2046, C.38.2047, C.38.2048, C.38.2049, C.38.2050). Deux autres œuvres provenant du grand veneur parvinrent entre les mains de la comtesse de Loÿs, fille de la cousine germaine de son épouse, et entrèrent dans les collections en 1965 (voir C.65.004 et C.65.005 ; voir également C.58.044, autre don de la famille La Bédoyère). Du côté de la famille Ney, au premier rang des héritiers d’Edgar figura la descendance de son neveu Michel Aloys. Ce fut à Napoléon Ney (1870-1928), frère cadet de Marie-Cécile, que revint le titre de prince de la Moskowa. Il est fort probable que le tableau représentant son grand-oncle au service de Napoléon III lui échut, puis qu’il fut transmis à sa sœur après son décès en 1928.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. Voir E. Jadin, Maison de l’Empereur. La Vénerie, 1852-1870, Paris, Manzi, Joyant et Cie, 1905, p. 25.
2. Voir Françoise Maison, « Le Prince impérial : l’éducation traditionnelle d’un héritier dynastique », dans La Pourpre et l’exil. L’Aiglon (1811-1832) et le Prince impérial (1856-1879) [cat. exp. Compiègne, musée national du château, 25 novembre 2004 – 7 mars 2005], Paris, Réunion des musées nationaux, 2004, p. 148-187, p. 160-162.
3. Jean-Claude Lachnitt, Le Prince impérial : Napoléon IV, Paris, Perrin, 1997, p. 63
4. Catherine Granger, L’Empereur et les Arts. La liste civile de Napoléon III, Paris, École des chartes, 2005, p. 574.
Bibliographie
Œuvres en rapport dans la collection
Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Rendez-vous de chasse de l’empereur Napoléon III à Pierrefonds, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=645

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