Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Rentrée du monde ou La Femme en jaune, retour du bal ou Rentrée du bal
Alfred Émile Léopold Stevens (Bruxelles, 1823 – Paris, 1906)

Inscription

S.b.d : Alfred Stevens

Historique

Coll. Van Praet en 1867. Coll. Garnier. Sa vente, Paris, galerie Georges Petit, 1894. Acquis pour le musée du Luxembourg à la vente Garnier. Entrée matérielle au musée du Luxembourg le 13 décembre 1894. Musée du Louvre, galerie du Jeu de Paume. Dépôt du musée national d’Art moderne en 1953. Entré au château de Compiègne le 25 juin 1953. Attribué au musée du Louvre. Affecté au musée d’Orsay.

Commentaire

D’origine belge, Alfred Stevens fréquenta à Bruxelles l’atelier d’un des meilleurs élèves de David, François Joseph Navez. Il vint à Paris poursuivre sa formation, bénéficiant des conseils de Camille Roqueplan, et s’y installa définitivement en 1852. À la suite de son frère aîné, le peintre animalier Joseph Stevens (1819-1892), et avec son second frère, Arthur, critique d’art et marchand de tableaux, il se tailla une place importante sur la scène artistique des années 1850, à Paris comme à Bruxelles. Il s’affirma avant tout comme peintre de genre, s’attachant à décrire la réalité contemporaine dans des registres à priori opposés. Après Masques le matin du Mercredi des Cendres, acheté au Salon de 1853 par Napoléon III (Marseille, musée des Beaux-Arts), il obtint un succès de scandale avec des scènes misérabilistes, particulièrement Ce qu’on appelle le vagabondage (1854, Exposition universelle de 1855, Paris, musée d’Orsay). Il se fit dans le même temps une spécialité de la représentation de femmes élégantes évoluant dans des intérieurs bourgeois. Quoiqu’elle s’éloignât du réalisme social, cette veine apportait une actualité nouvelle à la peinture de genre. À partir des années 1860, Stevens fut le compagnon de route d’autres peintres soucieux de décrire la vie moderne, notamment de Manet et de Degas, plus jeunes d’une dizaine d’années. Il s’imposa comme le peintre de la Parisienne, inspira les débuts de James Tissot et suscita des épigones comme Toulmouche ou Saintin. La chute du Second Empire ne mit pas fin à sa carrière qui se poursuivit jusqu’à la fin du siècle.

Alfred Stevens nous plonge dans la vie d’une jeune femme qui rentre du bal au petit jour. Elle porte une robe à crinoline d’un jaune éclatant, sans doute un jaune d’aniline, couleur chimique découverte sous le Second Empire. Sur sa coiffeuse de style Louis XVI sont posés quelques bijoux dans leurs écrins, essayés avant de partir et finalement dédaignés. Les diamants scintillent dans la lumière d’une lampe à pétrole, tandis que le jour entre timidement par la fenêtre. Ce savant effet de lumière met en valeur le jeu luxueux des matières associées dans ce boudoir. Les surfaces lisses du parquet, de la marqueterie, du miroir et des porcelaines, les reflets profonds sur le paravent de laque chinois, l’éclat vibrant de la robe de soie et la douceur du velours noir des rubans, tout fait écrin autour de la beauté de cette jeune femme. Stevens se délecte à évoquer ce décor bourgeois à la mode, qu’il rend avec brio. La jeune femme a dénoué ses cheveux. D’un geste familier et distrait, elle enlève son bracelet, l’air ailleurs, nous laissant entrevoir un instant sans apprêt, un fragment d’intimité qui donne toute sa modernité au tableau.
L’Exposition universelle de 1867, où fut présenté ce tableau, marque l’apogée de la carrière d’Alfred Stevens. Ses œuvres dominèrent la section belge aux côtés de celles du peintre d’histoire Henri Leys. Stevens obtint une médaille de première classe, fut nommé officier de la Légion d’honneur et fut reçu aux Tuileries. Son envoi formait selon William Bürger (alias Théophile Thoré), « dix-huit chapitres de la vie des femmes de qualité » : « Sentir des fleurs, s’amuser avec des bibelots, mettre ses gants ou ôter ses bijoux, lire ou écrire un billet, s’étendre sur un divan, regarder la couleur du ciel, s’impatienter ou rêver, c’est l’existence de ces belles dames. L’insignifiance des sujets dans ces tableaux d’Alfred Stevens a donc sa signification, parfaitement expressive des mœurs de la société aristocratique et même bourgeoise. » Grand admirateur de l’art hollandais, acteur essentiel de la redécouverte de Vermeer de Delft, Thoré mettait en parallèle l’art de Stevens avec celui de Ter Borch, Metsu, van Mieris ou Vermeer, référence qui se justifie tout particulièrement ici (format restreint, faire lisse et précis, mise en page, soin apporté aux détails). Comme le souligne Thoré, l’absence chez Stevens de tout commentaire, comme dans les tableaux des maîtres du Siècle d’or, contribue à la modernité de ses œuvres. Le bonheur de la peinture est leur premier objet. En cela, il se plaçait sur la même ligne que ses amis « actualistes ».
Notons par ailleurs que la jeune femme rousse pourrait avoir été inspirée par l’un des modèles favoris de Stevens, Victorine Meurent (1844-1927), que Manet rencontra probablement dans l’atelier de son ami et dont il fit l’héroïne scandaleuse du Déjeuner sur l’herbe et d’Olympia.

Une caricature de ce tableau exécutée par un artiste belge, Louis Joseph Ghémar (1819-1873), fut présentée sous le titre L’ex-reine d’Espagne. Modèle de toutes les vertus (allusion aux infidélités conjugales notoires d’Isabelle II) lors de l’Exposition fantaisiste des œuvres principales de l’art contemporain qu’il organisa en 1870 à Bruxelles.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

Bibliographie
Index

Genre :
Scènes de genre
Peinture d’intérieur

Index iconographique :
Bijou ; drapé ; femme ; intérieur ; miroir ; robe

Œuvres en rapport dans la collection
Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Rentrée du monde ou La Femme en jaune, retour du bal ou Rentrée du bal, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=595

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