Grand salon de la princesse Mathilde, rue de Courcelles

Sébastien Charles Giraud (Paris, 1819 – Sannois, 1892)

Cousine de Napoléon III, la princesse Mathilde fut l’une des grandes figures de la vie parisienne sous le Second Empire. De 1852 à 1870, elle occupa l’hôtel de Bragance, au 24-28, rue de Courcelles, que son cousin acheta en 1857 à la reine Marie-Christine d’Espagne pour le mettre à sa disposition. Bâti juste avant la Révolution par l’architecte Pierre-Adrien Pâris (1745-1819) pour l’intendant des Postes Arboulin de Richebourg, cet hôtel devait son nom au séjour qu’y avait fait l’empereur don Pedro I^er du Brésil. Confisqué après la chute du Second Empire et vendu en 1873, il fut démoli en 1880.
Frère cadet d’Eugène Giraud, un ami intime de la princesse, Charles Giraud faisait partie des familiers de celle-ci. Peintre de genre, notamment de vues d’intérieur, il fut le chroniqueur officiel de ses résidences. On lui doit une série de vues de l’hôtel de Bragance rendant compte des aménagements qu’elle y réalisa tout au long du Second Empire. La vente d’une partie des collections du prince Napoléon organisée à Prangins en 1950 ne comporta pas moins de neuf peintures provenant de la succession de la princesse et relatives à l’hôtel de Bragance, dont trois sont entrées dans les collections du château de Compiègne (le salon, C.51.030, la salle à manger, C.51.031, et le coin d’atelier, C.70.220). Charles Giraud peignit également plusieurs tableaux représentant le pavillon de Breteuil où la princesse Mathilde passa plusieurs étés au début des années 1850, puis le château de Saint-Gratien dont elle fit sa maison de campagne à partir de 1853, et l’hôtel qu’elle occupa après 1870 au 20, rue de Berri.
Les vues exécutées par Charles Giraud offrent un témoignage précieux sur le goût en matière de décoration sous le Second Empire. Mettant souvent en scène la princesse et des personnages de son entourage, elles évoquent admirablement l’ambiance qui régnait dans la haute société parisienne. S’il en existe quelques-unes dans d’autres collections publiques (Paris, MAD, musée des Arts décoratifs) ou en mains privées, celles rassemblées au château de Compiègne constituent l’ensemble le plus important et le plus significatif.
La princesse Mathilde tenait dans son hôtel de la rue de Courcelles un salon très réputé pour son esprit et sa liberté de ton, qui accueillait des personnalités aussi diverses que les frères Goncourt, Sainte-Beuve, Flaubert ou Théophile Gautier. Ce tableau rend compte de l’atmosphère qui régnait dans le salon principal de l’hôtel de Bragance, sis au centre de la façade sur jardin, lors des soirées en petit comité. La princesse est représentée confortablement assise sur une causeuse, conversant librement avec ses invités. L’homme qui s’incline vers elle est sans doute le comte Horace de Viel-Castel, resté célèbre pour ses Mémoires sans concessions plutôt que pour son action en tant que secrétaire général du Louvre. Aux côtés de la princesse, on reconnaît sa lectrice, Armande Dieudé-Defly.
Pour une analyse plus détaillée du décor de cette pièce et de son utilisation au temps de la princesse Mathilde, nous nous permettons de renvoyer au catalogue de l’exposition consacrée à celle-ci à Ajaccio en 2019.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne