Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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La Toilette
Paul Jacques Aimé Baudry (La Roche-sur-Yon, 1828 – Paris, 1886)

Inscription

S.b.g. : Paul Baudry ; dédicacé dans la pâte : al tesoro mio ; inscription en haut à gauche : JANE NOV 1861/ MIMI/ LOUIS XIII./ MARIO. MAI 1862

Historique

Peint pour le modèle, Jane Essler. Collection M. J. Kastler. Sa vente, hôtel Drouot, 26 mai 1913, lot no 26. Collection Billotte en 1929. Vente publique, Paris, hôtel Drouot, étude Fraysse, 24 mars 2003, lot no 46, repr. Acquis en 2016 dans le commerce de l’art parisien. Commission d’acquisition des musées-châteaux du 4 février 2016. Arrêté du 26 avril 2016.

Commentaire

Par son modèle comme par sa thématique, ce petit tableau est en lien avec l’un des premiers succès de Paul Baudry, La Toilette de Vénus (Salon de 1859, Bordeaux, musée des Beaux-Arts). L’actrice Jeanne Faessler, dite Jane Essler (1836-1892), posa en 1858 pour cette composition mettant en scène un nu féminin de dos, sur le motif de la Vénus callipyge, puis, deux ans plus tard, pour cette petite Toilette. Si l’attitude est similaire (la jambe repliée et le genou appuyé sur une draperie, les bras relevés et les mains jouant avec la chevelure), la jeune femme se tourne vers le spectateur et ses cheveux dénoués qui se reflètent dans le miroir apportent une connotation érotique évidente à la scène pour le regard du spectateur du xixe siècle. Ce n’est plus un nu idéalisé, comme dans la Toilette de Vénus, mais le portrait d’une femme déshabillée, avec sa taille ronde et ses cuisses rebondies. Elle semble surprise dans son intimité, mais son visage aux lèvres boudeuses n’exprime ni pudeur ni crainte. Il est noyé comme l’arrière-plan dans une demi-ombre, tandis qu’une lumière blonde baigne le reste du corps, sculptant tout particulièrement le torse. Grand admirateur des maîtres vénitiens, Baudry utilise une palette chaude et un fond de draperies pour magnifier les formes de son modèle dont la pilosité n’est pas représentée, conformément aux canons du nu académique. La pose les bras relevés, qui permet de dégager les lignes du torse, évoque d’ailleurs des parallèles dans la sculpture du Second Empire, notamment la Vénus aux cheveux d’or d’Arnaud, dont le plâtre fut présenté au Salon de 1859 (marbre du Salon de 1862 au château de Compiègne). Il n’empêche que la présence de la psyché, meuble tout moderne, le tableau qu’elle reflète et les bijoux portés par la jeune femme ancrent clairement ce nu dans la vie contemporaine.
Cette peinture oscille donc entre une étude de nu traditionnelle et un portrait intime d’une grande liberté de touche et de ton – Jane Essler fut la maîtresse de Baudry et le regard qu’il porte sur elle n’est pas compréhensible sans cette proximité. Le tableau est d’ailleurs dédicacé « al tesoro mio » et porte une inscription énumérant les principaux rôles tenus par Jane à l’époque de leur liaison, notamment celui de Mario dans Les Beaux Messieurs de Bois-Doré de George Sand. Hommage à la beauté de l’actrice, ce petit panneau lui fut offert et n’était assurément pas destiné à être montré. Notons qu’en 1863, le peintre présenta au Salon un portrait d’elle en robe de jour, où elle apparaît d’une parfaite modestie (Paris, musée d’Orsay, en dépôt au musée vendéen à Fontenay-le-Comte11. Voir la notice de Christophe Vital dans Paul Baudry, 1828-1886. Les portraits et les nus [cat. exp. La Roche-sur-Yon, Historial de la Vendée, 26 octobre 2007 – 3 février 2008], Paris, Somogy / La Roche-sur-Yon, Conseil général de la Vendée, 2007, no 94, p. 274, repr. Ce tableau fut offert en 1895 à l’État par M. Kastler, qui posséda également La Toilette.). La Toilette fut pourtant présentée sous ce titre anodin lors de la rétrospective posthume consacrée à l’artiste en 1886 à l’École des beaux-arts, ses réminiscences titianesques oblitérant sans doute ce qu’elle pouvait comporter d’impudique.
Si Paul Jacques Aimé Baudry se fit connaître également comme portraitiste (voir C.58.044) et comme grand décorateur, le nu joua un rôle très important dans sa carrière. En 1863, il envoya au Salon La Perle et la Vague, conte persan (Madrid, musée du Prado), tableau qui figurait une jeune femme nue se roulant sur une grève. Avec sa chevelure blond vénitien, ses traits fins et son corps aux formes sculpturales, elle présentait une fois encore le type féminin cher à l’artiste, type qu’incarnait la belle Jane. Ce tableau fut acquis par l’impératrice Eugénie, tandis que Napoléon III choisissait pour sa collection La Naissance de Vénus d’Alexandre Cabanel (Paris, musée d’Orsay). Ce double achat impérial marqua le triomphe du nu comme expression du grand genre, triomphe auquel Baudry avait apporté depuis le début de sa carrière une contribution décisive.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. Voir la notice de Christophe Vital dans Paul Baudry, 1828-1886. Les portraits et les nus [cat. exp. La Roche-sur-Yon, Historial de la Vendée, 26 octobre 2007 – 3 février 2008], Paris, Somogy / La Roche-sur-Yon, Conseil général de la Vendée, 2007, no 94, p. 274, repr. Ce tableau fut offert en 1895 à l’État par M. Kastler, qui posséda également La Toilette.
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Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, La Toilette, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=651

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