Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Le Peintre Eugène Giraud dans son atelier avec son frère Charles et son fils Victor
Sébastien Charles Giraud (Paris, 1819 – Sannois, 1892)

Illustration de comparaison
Charles Giraud, Intérieur aux panoplies orientales, huile sur toile, Paris, musée du Louvre, INV. 20871
Inscription

S.b.g. : Ch. Giraud

Historique

Acquis à l’hôtel Drouot le 28 février 1930 pour le château de Compiègne (étude de maître Baudoin, no 31, pour la somme de 1 600 francs). Inscrit sur les inventaires du département des Peintures du musée du Louvre. Évacué en 1939. Vu à Chambord en 1943, caisse no 15. Retour à Compiègne en 1946.

Commentaire

Peinte vraisemblablement au début des années 1870, cette vue offre une description intéressante de ce qu’était l’atelier d’un artiste en vue au xixe siècle. Celui d’Eugène Giraud se trouvait au 63 de la rue des Écuries-d’Artois. Amie intime du peintre, la princesse Mathilde en a laissé une description : « Giraud avait fait bâtir l’atelier formant aile avec la maison ; c’était une construction légère, en pans de bois, sans fondations et au rez-de-chaussée. Cet atelier était rempli de vieux meubles sur lesquels la poussière mettait des tons gris que l’artiste ne détestait pas ; l’araignée ne se faisait pas faute d’y tisser sa toile. Des tapisseries antiques, achetées, comme les meubles, avec discernement, en ce temps où le bric-à-brac ne trouvait encore que peu d’amateurs, couvraient les murs. Une armoire de Boulle un peu boiteuse, calée par quelques bouquins, laissait apercevoir, derrière ses vitres, des armes, des pièces dépareillées d’argenterie ancienne, de vieilles culottes du siècle passé, et autres défroques pêle-mêle avec des plâtres. Sur un large divan s’entassaient des étoffes orientales toutes fanées, dans un désordre qu’on aurait perdu son temps à réparer. Des sièges de toutes les paroisses, au mur une quantité considérable d’études faites à toutes les époques de la vie du peintre, dans tous les pays qu’ils avaient parcourus, des bibelots de toutes sortes rapportés d’Espagne, d’Algérie, d’Égypte, constituaient le mobilier de cet atelier romantique. Giraud s’y trouvait plus heureux qu’un roi. Il y travaillait du matin au soir11. Princesse Mathilde, Eugène Giraud, Paris, impr. de A. Quantin, [1884], 41 p., p. 24-25. Sur l’atelier de Giraud, voir aussi Edmond et Jules de Goncourt, Journal des Goncourt : mémoires de la vie littéraire, 9 vol., Paris, 1887-1896, t. I, p. 1180.. » L’artiste vendit cette maison en 1875.
Aux œuvres en cours et aux études accrochées aux murs ou conservées dans des portefeuilles se mêle tout un bric-à-brac d’objets collectionnés avec passion, dont certains servaient sans nul doute de modèles au peintre pour ses tableaux. Les éléments de décor, armes et autres curiosités venues du monde islamique, rappellent notamment qu’Eugène Giraud s’était spécialisé dans la veine orientaliste. L’atelier était tout à la fois un espace de travail et un salon où l’artiste pouvait présenter ses œuvres et recevoir amateurs et relations mondaines. C’était aussi un lieu de vie, au cœur de la maison.
Si ce tableau s’inscrit dans la série des vues d’atelier peintes avec bonheur par Charles Giraud depuis ses débuts (voir M.I. 21 et C.60.003), il comporte une forte dimension familiale. Eugène Giraud n’est pas représenté en train de peindre mais de regarder un enfant qu’une femme, sans doute sa grand-mère, tient sur ses genoux. Sa palette et ses pinceaux sont posés sur un coffre au premier plan à gauche et la toile à laquelle il travaille est en grande partie recouverte d’un drap. Sur un chevalet plus petit est posé un portrait de format ovale qui semble être celui du bébé. Deux jeunes femmes sont assises à une table. Deux portraits exécutés par Eugène Giraud et conservés au musée Carnavalet (INV. D-9044 et INV. D-9045) permettent d’identifier la femme amusant l’enfant comme étant Antoinette, épouse de Charles et belle-sœur d’Eugène, et la jeune femme accoudée devant elle à une table comme étant sa fille, Marie Giraud. L’identité de la seconde jeune femme n’est pas connue. Victor Giraud, fils d’Eugène, est assis sur une banquette. Jeune peintre au talent prometteur, il a pris une gravure ou un dessin dans un portefeuille et l’observe avec attention. Son oncle Charles, l’auteur du tableau, est à ses côtés. Derrière eux se dressent plusieurs bustes sur des colonnes de marbre : entre ceux d’Eugène Giraud et de Jean-Léon Gérôme, tous deux exécutés par Carpeaux, on aperçoit un petit exemplaire en marbre du buste de la princesse Mathilde par Barre, allusion discrète à cette fidèle amie et commanditaire de la famille. Sur le mur à droite est accroché le portrait d’Eugène Giraud par Paul Baudry qui fut légué par la princesse au Louvre (Versailles, musée national du château).
La présence d’un exemplaire du buste de Gérôme, exécuté à Londres par Carpeaux en mars 1871 et exposé au Salon de 1872, situe ce tableau au début de la Troisième République. Pourtant, Victor Giraud mourut pendant le siège de Paris, le 20 février 1871. D’après son acte de décès, il était célibataire et résidait chez ses parents22.  Archives de Paris, V4E 3371, registre des actes de décès du 8e arrondissement, 20 février 1871, acte no 1530.. Il est possible que la toile ait été commencée avant l’été 1870, à l’occasion d’une naissance dans la famille, et terminée au retour de la paix. Il est cependant plus probable qu’elle ait été exécutée après 1871 pour conserver le souvenir des derniers moments de bonheur avant ce deuil. Ces circonstances peuvent en tout cas expliquer l’air grave et sombre de Charles et d’Eugène. Notons encore que Charles Giraud n’était pas un grand figuriste. Le portrait d’Eugène fut exécuté d’après une photographie de Disdéri et il en fut peut-être de même pour les autres protagonistes. Il est également possible que son frère lui ait prêté main-forte.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. Princesse Mathilde, Eugène Giraud, Paris, impr. de A. Quantin, [1884], 41 p., p. 24-25. Sur l’atelier de Giraud, voir aussi Edmond et Jules de Goncourt, Journal des Goncourt : mémoires de la vie littéraire, 9 vol., Paris, 1887-1896, t. I, p. 1180.
2.  Archives de Paris, V4E 3371, registre des actes de décès du 8e arrondissement, 20 février 1871, acte no 1530.
Œuvres en rapport dans la collection
Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Le Peintre Eugène Giraud dans son atelier avec son frère Charles et son fils Victor, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=460

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