Jules César en buste

Jean-Léon Gérôme (Vesoul, 1824 – Paris, 1904)

Élève de Paul Delaroche, Jean-Léon Gérôme était particulièrement réputé pour ses évocations historiques composées avec un souci de vérité archéologique toujours plus poussé. Membre éminent du groupe des néo-Grecs à la fin des années 1840 et au début des années 1850, il s’intéressait tout particulièrement aux sujets tirés de l’Antiquité. Il présenta notamment au Salon de 1859 un spectaculaire César mort (localisation inconnue) et peignit à la même époque une seconde composition sur le même sujet, La Mort de César (Baltimore, The Walters Art Museum), qui fut diffusée à partir de 1859 par l’éditeur Goupil dans sa « Galerie photographique » et connut un très grand succès. À propos du traitement par Gérôme de ce thème, Théophile Gautier put écrire : « Si la photographie eût été connue du temps de César, on pourrait croire le tableau fait d’après une épreuve obtenue sur place, au moment même de la catastrophe¹Fermer1.  Théophile Gautier, « À travers les ateliers », L’Artiste, t. IV, 16 mai 1858, cité par Laurence des Cars, notice « La Mort de César », dans Jean-Léon Gérôme (1824-1904). L’Histoire en spectacle [cat. exp. Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, 15 juin – 12 septembre 2010 ; Paris, musée d’Orsay, 19 octobre 2010 – 23 janvier 2011 ; Madrid, museo Thyssen-Bornemisza, 1^er mars – 22 mai 2011], Paris, ESFP / Musée d’Orsay, 2010, n^o 67, p. 122-125, p. 125. ».
Au début de l’année 1865, Gérôme fut sollicité par Napoléon III pour fournir une représentation de « César en costume militaire ». Ainsi que l’a relevé F. Maison, un article paru le 22 mars 1865 dans l’Univers illustré fit état de cette commande. Le dessin devait servir de modèle pour la gravure destinée à servir de frontispice au second volume de l’Histoire de Jules César écrite par l’empereur, le premier volume ayant été illustré d’un portrait de César d’après un original à l’huile d’Ingres. Gérôme bénéficiait déjà d’une faveur certaine auprès de l’administration impériale. En 1861, il avait été chargé par la direction des Beaux-Arts de représenter une importante cérémonie officielle, la réception de l’ambassade du Siam par les souverains (Audience des ambassadeurs du Siam à Fontainebleau, achevé en 1864, musée national du château de Fontainebleau). En 1862, il avait été invité à la quatrième série de Compiègne, puis il avait figuré l’année suivante parmi les trois artistes choisis pour prendre la tête des ateliers de peinture nouvellement créés au sein de l’École impériale et spéciale des beaux-arts.
Pour répondre à la demande impériale, Jean-Léon Gérôme proposa au moins trois variantes de même format, qu’il peignit en grisaille pour faciliter le travail du graveur : ce Jules César en buste, un Jules César au milieu de ses lieutenants (voir C.99.007), également conservé à Compiègne, ainsi qu’une troisième version passée en vente lors de la dispersion d’une partie de la collection Franceschini-Pietri (Fontainebleau, étude Osenat, 1^er avril 2012, lot n^o 51). César y est représenté en buste de trois-quart, tourné vers la droite, la main droite sur le pommeau de son glaive. Les trois tableaux furent donnés en novembre 1891 par Gérôme à Pietri, comme en témoigne un billet daté de novembre 1891 : « Je retrouve en faisant des rangements les portraits de César dont je vous avais parlé. Si vous êtes encore ici, venez les prendre, je vous les offre avec plaisir. » En tant que secrétaire particulier de l’empereur, Pietri avait dû assurer en 1865 la liaison entre celui-ci et l’artiste. Le surintendant des Beaux-Arts, le comte de Nieuwerkerke, fut également impliqué dans cette affaire. Le 20 janvier 1865, il pria Pietri d’interroger Napoléon III pour savoir s’il devait « demander à Gérôme le portrait de César d’après le plâtre du César de Besançon », indice intéressant sur le modèle retenu pour les traits du général romain²Fermer2.  Ce buste antique (Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, INV. 852.2.215 et INV. 849.6.203) n’est plus aujourd’hui considéré comme un portrait de Jules César.. Toutefois, aucune trace ne subsiste d’une commande officielle. Le peintre fut vraisemblablement rémunéré sur la cassette personnelle du souverain par l’entremise de son secrétaire particulier. Le projet d’illustration n’aboutit pas et le volume fut finalement publié en 1866 sans gravure de tête. Ceci pourrait expliquer pourquoi l’artiste garda les trois tableaux par-devers lui, à moins qu’une quatrième version n’ait reçu l’aval de Napoléon III avant d’être abandonnée.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne