Berger ; hauts plateaux de la Kabylie
Eugène Fromentin (La Rochelle, 1820 – Saint-Maurice, 1876)
Berger ; hauts plateaux de la Kabylie
Eugène Fromentin (La Rochelle, 1820 – Saint-Maurice, 1876)
1861
Huile sur toile
H. 1,04 ; L. 0,70 m
C.2010.006
S.D.b.g. : Eugène Fromentin 61
Choisi au Salon de 1861 par l’impératrice Eugénie et acquis par arrêté du 11 juillet 1861 pour 5 000 francs (DP 443) ; placé à Saint-Cloud dans le salon des Officiers de service ; envoyé à l’hôtel de l’Impératrice aux Champs-Élysées. Collection Impératrice Eugénie à Farnborough Hill, Angleterre. Sa vente, Londres, 1er juillet 1927, no 45 (An Eastern Water-Carrier, mounted, driving sheep in the mountains). Acquis en 2010 sur le marché de l’art parisien, avec la participation de la Société des Amis du château de Compiègne. Commission d’acquisition des musées-châteaux du 9 janvier 2010. Conseil artistique des 13 janvier et 10 février 2010. Arrêté du 23 juillet 2010.
L’œuvre pictural et littéraire d’Eugène Fromentin fut profondément marqué par les paysages et les populations du Maghreb, découverts à l’occasion d’un voyage en Algérie en 1846. Cette toile y occupe une place de choix. Lorsqu’elle parut au Salon de 1861, elle suscita une vive admiration. Pour Maxime Du Camp, c’était la meilleure de toute l’exposition. Elle porta Fromentin à « la tête de la caravane orientale », selon le mot de Théophile Gautier : « Le Berger (hauts plateaux de Kabylie) nous révèle une Afrique d’une nouveauté inattendue et charmante, une Afrique bleue, argentée et glacée de neige. Monté sur un magnifique cheval gris, un jeune berger, beau, noble et triste comme Apollon chez Admète, gagne les hauts plateaux où la chaleur n’a pas desséché l’herbe, poussant devant lui son troupeau de moutons. Il porte sur l’arçon de sa selle un petit agneau trop faible pour suivre les autres. Comme la poésie de la vie patriarcale apparaît là dans toute sa primitive beauté ! Comme on se sent déchu à côté de ce jeune berger montant de la plaine, où fument les foyers déjà lointains, à cette alpe africaine que le souffle du désert ne peut dépouiller de son voile de neige, dans la solitude, le silence et la liberté ! Il a réalisé le vœu de ce berger qui disait que s’il était roi il garderait ses moutons à cheval, et jamais roi n’eut plus fière mine, plus altière et plus simple attitude que ce pauvre pâtre kabyle dont la pourpre est un haillon et la couronne un chapeau de paille jeté négligemment derrière le dos. – Le Berger nous paraît jusqu’à présent le chef-d’œuvre de M. Fromentin. »
Ces lignes font écho à la fascination alors éprouvée par les artistes pour la noblesse des peuples du Maghreb, considérés comme les vivants héritiers de la grandeur antique. Si la manière dont Fromentin a traité son berger dépasse l’approche purement ethnographique pour atteindre à une forme d’universalité, ce sujet n’en faisait pas moins écho à une question d’actualité. La soumission de la Kabylie venait en effet d’être obtenue en 1857 par les troupes du général Randon. En septembre 1860, Napoléon III et l’impératrice Eugénie avaient effectué une visite officielle en Algérie. À cette occasion, ils avaient été fêtés par les chefs kabyles, une grande composition étant commandée à Isidore Pils pour commémorer cet événement (voir l’esquisse C.2006.007). Ce contexte et le souvenir de ce voyage éclairent l’intérêt que l’impératrice manifesta pour le Berger, incarnation noble et pacifiée du peuple kabyle. Le sujet de la toile avait peut-être été choisi à dessein dans la perspective de son acquisition éventuelle, comme semble l’indiquer une lettre adressée à l’artiste par ses parents le 12 avril 1861. Jenny Fromentin-Dupeux lui écrivait en effet : « À ce propos, j’allais oublier de te demander quel est celui de tes tableaux d’exposition que tu comptes donner au gouvernement pour ta commande, et aussi celui que tu as fait, un peu, en vue de l’impératrice. » Le couple impérial possédait déjà une œuvre du peintre choisie au Salon de 1857, Tribu nomade en voyage ou Arabes en voyage (Sahara), qui était accrochée au palais de Compiègne (toile restituée à l’impératrice en 1881, aujourd’hui non localisée). L’œuvre acquise par l’État au Salon de 1861 fut Courriers : pays des Ouled-Nayls, tandis que le Berger fut payé sur les crédits de la Liste civile.
Le Berger fut placé dans les appartements de l’impératrice Eugénie à Saint-Cloud, puis dans son hôtel particulier aux Champs-Élysées. À Saint-Cloud, il était accroché en 1862 dans le salon des Officiers de service (pièce à destination du personnel masculin de la Maison de la souveraine), où il faisait pendant à l’original du tableau d’Alfred Dedreux, Jument de Napoléon III sellée en grand apparat (Littzy ?) (voir IMP 993). Sa trace était perdue depuis les ventes après décès de 1927, mais la composition demeurait connue par une répétition réduite conservée au Philadelphia Museum of Art, par des dessins préparatoires conservés notamment au musée des Beaux-Arts de Lille, ainsi que par des gravures publiées à l’occasion du Salon de 1861 et une reproduction ancienne. Son acquisition en 2010 fut une belle redécouverte.
Auteur du commentaire : Laure Chabanne
Genre :
Scènes de genrePaysage → MontagneuxPeinture animalière
Index iconographique :
Berger ; cheval ; mouton
Cette œuvre appartient à l’ensemble :
Les collections et commandes impériales
Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne
Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Berger ; hauts plateaux de la Kabylie, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=443