Paysage avec pêcheurs sur une barque
Paolo Anesi (Rome, 1697 – Rome, 1773)
Paysage avec pêcheurs sur une barque
Paolo Anesi (Rome, 1697 – Rome, 1773)
Ancienne attribution : Andrea Locatelli (Rome, 1695 – Rome, 1741)
xviiie siècle
Huile sur toile
H. 0,65 ; L. 1,11 m
INV. 356
C.38.2244
L 3751
Acquis en 1820 de M. Gaillard avec son pendant (voir INV. 355) pour la somme de 1 200 francs. Collection de Louis XVIII. Envoi à Compiègne en septembre 1821 ; galerie des Tableaux en 1821 ; idem en 1822 ; appartements du prince de Joinville, salon de travail en 1837 ; appartements de la Reine, salle de billard en 1841 ; idem en 1847 ; idem en 1848 ; idem en 1850 ; salon L2 en 1856 ; galerie des Fêtes en 1893 ; idem en 1894.
Ce tableau et son pendant (voir INV. 355), représentant des paysages idéalisés inspirés de la campagne romaine, ont longtemps été attribués au peintre romain Andrea Locatelli (1695-1741). À la suite de Burisi Vici en 1976, ils doivent aujourd’hui être rendus à son contemporain Paolo Anesi. Paolo Anesi est un peintre, dessinateur et graveur romain. Fils d’un fabricant de soie originaire de Venise, il réalise son apprentissage auprès de Giuseppe Chiari puis, à partir de 1715, du peintre de marines Bernardino Fergioni (1674-v. 1738), dans l’atelier duquel sera également formé Locatelli. Sebastiano Conca (1680-1764) fut un autre de ses maîtres. Spécialisé dans la représentation des paysages, il s’adjoint parfois les services de Pompeo Batoni (1708-1787) et de Giovanni Paolo Panini (1691-1765) pour la réalisation des figures. Jamais membre de l’académie de Saint-Luc, il est toutefois admis en 1747 au sein de la prestigieuse congrégation pontificale des Virtuosi al Pantheon. Il acquiert sa réputation avec un recueil de gravures, Varie vedute inventate ed intagliate, dédicacé au cardinal Giuseppe Renato Imperiali (1651-1737), publié à Rome en 1725. Un de ses premiers protecteurs fut le roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III (1701-1773) qui lui commande des œuvres en 1731-32. Ses tableaux se retrouvent aussi dans les collections patriciennes romaines telles que Colonna, Pallavicini, Valenti Gonzaga, Rondinini, mais aussi d’artistes comme Piranese. Il est souvent appelé pour réaliser les décors de riches demeures romaines. En 1749, il peint quatre dessus-de-porte pour la villa Pamphili (Janicule). En collaboration avec Marco Benefial (1684-1764), il travaille au palais Massimo à Arsoli. À la demande du cardinal Alessandro Albani (1692-1779), il participe au chantier de la villa que celui-ci se fait bâtir sur la via Salaria (actuelle villa Torlonia) en vue d’abriter sa collection d’antiques. En 1767, il réalise un cycle de toiles pour la villa Chigi al monte delle Gioie dont 11 ont survécu. Il collabore alors avec le peintre de figures Paolo Monaldi (1710-1779). Sa carrière romaine est ponctuée de deux séjours à Florence en 1729 puis en 1737-38. Il est alors reçu au sein de l’Academia del designo de cette ville et y forme le peintre Francesco Zuccarelli (1702-1788).
L’artiste reprend ici les codes de la peinture de paysage élaborés au siècle précédent. Les teintes sourdes du premier plan contrastent avec les tonalités plus claires de l’arrière. Une masse d’eau centrale organise la composition en bandes parallèles, tandis qu’un édifice monumental surplombe la campagne environnante et oriente le regard vers un vaste ciel peuplé de nuages se reflétant dans les eaux tranquilles de la rivière. L’équilibre des éléments confère harmonie et poésie à l’ensemble. S’il est difficile d’identifier précisément les édifices représentés (B. Couilleaux suggère les architectures de la rive du Tibre dans les environs de l’église Santo Spirito dei Napoletani). Les personnages, dont les activités sont traitées de façon anecdotique, s’inscrivent dans un environnement paysager qui les dépasse. En unifiant dans une lumière chaude de fin de journée éléments naturels, architectures et présence humaine, l’artiste fait l’éloge d’une nature arcadienne domestiquée. Du contraste entre les deux tableaux (voir INV. 355), qui présentent l’un un monument en ruine, l’autre un édifice en activité manifeste (de la fumée s’échappe de la cheminée), naît une mélancolie invitant à une méditation sur la fuite du temps.
Au xviiie siècle, cette représentation d’une nature pittoresque et sublimée répond aux goûts esthétiques d’amateurs éclairés et érudits de toute l’Europe. Nombre de vedute d’Anesi sont acquises par un public étranger, notamment anglais, lors de leur séjour dans la péninsule italienne. Deux tableaux d’Anesi entrent ainsi dans la collection du cardinal de Bernis (1715-1794) et sont aujourd’hui visibles au musée des Augustins à Toulouse : Vue de la Porte Saint-Paul à Rome (INV. 2004.1.394) et Le Temple de Bacchus à Rome (INV. 2004.1.395)11. Axel Hémery, La peinture italienne au musée des Augustins. Catalogue raisonné, Toulouse, Musée des Augustins, 2003, nos 1 et 2. Si on ne connaît pas l’historique de ces deux œuvres avant leur acquisition par l’État en 1820, on peut souligner la permanence du goût pour les paysages italiens idéalisés au siècle suivant ainsi que le suggèrent leurs emplacements privilégiés réservés dans le décor du château de Compiègne.
Auteur du commentaire : Étienne Guibert
Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Étienne Guibert
Pour citer cet article :
Étienne Guibert, Paysage avec pêcheurs sur une barque, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=4