Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Fête donnée à l’empereur Napoléon III et à l’impératrice Eugénie à Alger, le 18 septembre
Isidore Alexandre Auguste Pils (Paris, 1813 – Douarnenez, 1875)

Illustrations de comparaison
Isidore Pils, Jeune femme kabyle, étude pour le tableau Fête donnée à l’empereur Napoléon III et à l’impératrice Eugénie à Alger, le 18 septembre 1860, dessin à la pierre noire et estompe, vers 1861-1862, château de Compiègne, C.2012.012
Isidore Pils, Jeune kabyle debout, étude pour le tableau Fête donnée à l’empereur Napoléon III et à l’impératrice Eugénie à Alger, le 18 septembre 1860, pastel et fusain, vers 1861-1862, château de Compiègne, C.2011.009
Inscription

S.b.g. : I. PILS

Historique

Isidore Pils. Vente de l’atelier de l’artiste, 1876, no 15. Alvin-Beaumont en 1922 ? Beatrice Greenough, Los Angeles. Vente Christie’s, New York, 25 mai 1988, lot no 12, repr. Didier Aaron. Collection privée. Vente Christie’s, New York, 25 octobre 2006, lot no 20, repr. Don de la Société des Amis du château de Compiègne.

Commentaire

Élève de Lethière et Picot, Isidore Pils remporta le prix de Rome en 1838. À son retour d’Italie, il se fit connaître au Salon par une grande composition historique, Rouget de Lisle chantant pour la première fois la Marseillaise, chez Diétrich, maire à Strasbourg (Salon de 1849, Strasbourg, Musée historique), et par des toiles traitant en grand format des scènes de genre réalistes, telle La Mort d’une sœur de charité (Salon de 1850-1851, acquise par l’État, Paris, musée d’Orsay, en dépôt à Toulouse, musée des Augustins, R.F. 1986-82). Ces œuvres lui valurent des commandes de l’administration impériale qui réorientèrent sa carrière vers la peinture militaire. Ce fut dans ce domaine qu’il acquit une célébrité définitive, sa Bataille de l’Alma, destinée au Musée historique de Versailles, remportant un très grand succès au Salon de 1861. Nommé professeur chef d’atelier de peinture à l’École des beaux-arts en 1864, puis membre de l’Institut en 1868, il fut également chargé de grands décors pour les églises Saint-Eustache, Sainte-Clotilde et pour l’Opéra (plafond du grand escalier).
La composition dont cette toile est une esquisse fut commandée à l’artiste par le ministère de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts précisément à la suite du Salon de 1861. Il s’agissait également d’une œuvre de très grandes dimensions pour le musée de Versailles, illustrant un épisode clef du voyage de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie en Algérie en septembre 1860. Un atelier fut attribué à l’artiste au dépôt des marbres pour faciliter son exécution. Pils effectua deux voyages d’étude en Algérie, en 1861 et en 1862, puis il travailla longuement sur cette toile, qu’il présenta à l’Exposition universelle de 1867 (Fête donnée à LL.MM. l’Empereur et l’Impératrice à Alger, le 18 septembre 1860, no 508). Le livret précise le sujet du tableau : « Dans la journée, LL. MM. se sont rendues à l’entrée de la plaine de la Mitidja pour assister à la fête. Des contingents de fantassins kabyles et de cavaliers des trois provinces, les Aghas et Caïds en tête, avaient été réunis sous l’habile et ingénieuse direction du général Jusuf. Après la fantasia, les joutes, les chasses … tous les goums se sont rapprochés majestueusement de l’éminence sur laquelle était dressée la tente impériale. Alors les chefs, aux burnous éclatants, ont mis pied à terre, et sont venus tous ensemble, présenter le cheval de Gaada, caparaçonné d’or, et faire acte de soumission au souverain de la France. Le chef kabyle El-Hadj-Ahmed ou Ali Jattaren, de Taddart Oufella (le village d’en haut), des Beni Raten, présente le fusil. Il est entouré de la population kabyle qui avait fait irruption jusqu’à la tente. La figure de l’impératrice n’est pas entièrement terminée. »

La toile disparut dans l’incendie des Tuileries en 1871 et ne semble pas avoir été gravée ou photographiée. Cependant, au moins deux esquisses à l’huile de grand format en sont connues : celle-ci, ainsi qu’une autre se trouvant dans une collection privée à New York11. Voir Donald A. Rosenthal, Orientalism : The Near East in French Painting 1800-1880 [cat. exp. Rochester, Memorial art gallery of the University, 27 août – 17 octobre 1982 ; New York, Neuberger Museum, 14 novembre – 23 décembre 1982], Rochester, Memorial art gallery of the University, 1982, repr. fig. 13.. Elles indiquent nettement la mise en place de la composition. D’Algérie, Pils avait rapporté de nombreuses études et des dessins préparatoires pour le groupe des Kabyles. Il disposait en revanche de moins d’éléments pour les portraits des souverains et rencontra des difficultés. Si l’artiste fut à plusieurs reprises invité à Compiègne (où il dessina en 1863 deux projets de costume à l’antique pour un tableau vivant d’après Poussin, achetés en 2005 par le château), il ne put obtenir que le couple impérial posât pour lui22. « Pils, en artiste qui respecte son art, ne pouvait se résoudre à peindre d’après des photographies des figures plus grandes que nature. Il demanda quelques séances, qu’on lui fit espérer, mais qu’il attendit vainement. Il insista, et reçut des réponses pleines de promesses, qui ne se réalisèrent pas. À Compiègne, où il avait été invité, il espérait trouver une occasion favorable ; mais le temps s’écoula en plaisirs et en fêtes, au milieu desquelles il lui était bien difficile d’obtenir une séance. Je n’insisterai pas plus qu’il ne convient sur cette circonstance, dont je n’aurais même pas parlé, si la négligence, peut-être involontaire, de l’Impératrice n’avait entravé le peintre dans l’exécution de son tableau. » Louis Becq de Fouquières, Isidore Alexandre Auguste Pils, sa vie et ses œuvres, Paris, Charpentier, 1876, p. 57. Le fait n’est pas étonnant dans la mesure où l’on sait que l’administration impériale avait pour habitude de faire inviter à Compiègne les artistes chargés de représenter les souverains afin de leur permettre d’étudier leur physionomie sans contraindre l’empereur et l’impératrice à des séances de pose.. Le peintre en fut réduit à s’inspirer de photographies et laissa en 1867 le groupe formé par l’empereur et l’impératrice « à peine ébauché33. Louis Becq de Fouquières, Isidore Alexandre Auguste Pils, sa vie et ses œuvres, Paris, Charpentier, 1876, p. 57. » selon son biographe, Becq de Fouquières, ce qui lui fut reproché par la critique. Celle-ci blâma également l’opposition entre le caractère hiératique du couple et l’agitation violente et colorée des Kabyles. Ce contraste est déjà sensible dans l’esquisse où le traitement très enlevé des cavaliers et des fantassins, soutenu par une dominante rouge vibrante, évoque les toiles marocaines de Delacroix. L’autre esquisse connue est plus poussée dans certaines de ses parties (notamment le couple impérial), mais présente des figures beaucoup plus statiques.
Si le coloris de la composition finale fut jugé trop rouge et fut retravaillé par l’artiste après l’Exposition de 1867, cette esquisse témoigne de la recherche de vérité, de variété et de brillant qui anima le peintre, et plus largement de la fascination qu’exerça sur lui le Maghreb. Comme Delacroix et comme de nombreux artistes de sa génération, Pils eut l’impression selon Becq de Fouquières d’y trouver l’Antiquité vivante. La découverte de l’Afrique fut pour lui un véritable choc esthétique. Souffrant depuis sa jeunesse de la tuberculose, le peintre y puisa en outre une énergie nouvelle. Les études passionnées qu’il peignit du peuple kabyle comptent parmi ses meilleurs morceaux. Il en fit délibérément le héros de la scène, reléguant au second plan les souverains et leur suite sous l’ombre du dais.
Depuis l’acquisition en 2008 de cette esquisse, le château de Compiègne a pu faire entrer dans ses collections deux études dessinées pour la même composition (Jeune Kabyle debout, C.2011.009, et Jeune femme Kabyle, C.2012.012).

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. Voir Donald A. Rosenthal, Orientalism : The Near East in French Painting 1800-1880 [cat. exp. Rochester, Memorial art gallery of the University, 27 août – 17 octobre 1982 ; New York, Neuberger Museum, 14 novembre – 23 décembre 1982], Rochester, Memorial art gallery of the University, 1982, repr. fig. 13.
2. « Pils, en artiste qui respecte son art, ne pouvait se résoudre à peindre d’après des photographies des figures plus grandes que nature. Il demanda quelques séances, qu’on lui fit espérer, mais qu’il attendit vainement. Il insista, et reçut des réponses pleines de promesses, qui ne se réalisèrent pas. À Compiègne, où il avait été invité, il espérait trouver une occasion favorable ; mais le temps s’écoula en plaisirs et en fêtes, au milieu desquelles il lui était bien difficile d’obtenir une séance. Je n’insisterai pas plus qu’il ne convient sur cette circonstance, dont je n’aurais même pas parlé, si la négligence, peut-être involontaire, de l’Impératrice n’avait entravé le peintre dans l’exécution de son tableau. » Louis Becq de Fouquières, Isidore Alexandre Auguste Pils, sa vie et ses œuvres, Paris, Charpentier, 1876, p. 57. Le fait n’est pas étonnant dans la mesure où l’on sait que l’administration impériale avait pour habitude de faire inviter à Compiègne les artistes chargés de représenter les souverains afin de leur permettre d’étudier leur physionomie sans contraindre l’empereur et l’impératrice à des séances de pose.
3. Louis Becq de Fouquières, Isidore Alexandre Auguste Pils, sa vie et ses œuvres, Paris, Charpentier, 1876, p. 57.
Œuvres en rapport dans la collection
Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Fête donnée à l’empereur Napoléon III et à l’impératrice Eugénie à Alger, le 18 septembre 1860 ou La Réception des chefs kabyles par l’empereur Napoléon III, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=574

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