Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
Consulter la liste des catalogues raisonnés d'inventaire de collection de musée produits par la RMN-GP
Aller sur le site web du château de Compiègne

Le Dessinateur dit aussi Un homme dessinant (époque de Louis XV)
Ernest Meissonier (Lyon, 1815 – Paris, 1891)

Inscription

S.m.d. : E Meissonier. / à Poissy ; dédicacé m.d. : [à] Mr. Didier/ [rue] de Hanovre

Historique

Henri Didier en 1855. Sa vente, 15-17 juin 1868, no 27. Alexandre Dumas fils. Sa vente, 12-13 mai 1892, no 72. Alfred Chauchard. Legs aux musées nationaux en 1906. Entrée matérielle au musée du Louvre en 1909. Comité du 4 décembre 1909. Conseil du 6 décembre 1909. Décret du 15 janvier 1910. Dépôt du département des Peintures en 1953. Entré au château de Compiègne le 25 juin 1953. Arrêté du 30 janvier 1957. Affecté au musée d’Orsay.

Commentaire

Ce tableau appelle une comparaison étroite avec le Jeune écolier qui dessine de Chardin (Stockholm, Nationalmuseum ; autre version à Fort Worth, Kimbell Art Museum), peinture que Meissonier pouvait connaître par l’estampe. Dans les deux cas, un personnage masculin de dos copie une œuvre placée devant lui. Assis au sol chez Chardin, sur un tabouret chez Meissonier, il est penché sur son travail. Son visage n’est pas visible mais on aperçoit sa main droite qui fait courir le crayon sur la feuille. Toutefois, si les deux compositions se ressemblent fortement, le sujet n’est pas exactement le même. Chardin a représenté un jeune rapin qui apprend à dessiner en copiant une académie d’homme, tandis que l’artiste de Meissonier semble plus âgé et plus avancé. Il dessine d’après un nu féminin aux trois crayons identifié comme une Antiope de Boucher11. La position de la jeune femme représentée est en effet celle de la nymphe dans le carton donné par Boucher pour l’une des tapisseries de la célèbre tenture des Amours des dieux, Jupiter et Antiope.. Notons que Meissonier a dédicacé ce tableau à son premier acquéreur, Henri Didier22. Henri Didier (Rouen, 1823 – Vanves, 1868) avait une formation d’avocat. Élu député à plusieurs reprises sous le Second Empire, il était par ailleurs un familier du monde des lettres et du théâtre. Il posséda cinq tableaux de Meissonier. La dédicace, presque imperceptible, se trouve dans l’ombre de la toile de format cintré retournée, à proximité de la signature. L’artiste a apposé celle-ci à la manière d’une inscription à la craie sur le mur, au-dessus d’un croquis de cavalier évoquant une charge d’atelier., fait inhabituel selon Constance Cain Hungerford. Didier collectionnant les tableaux du xviiie siècle de goût rocaille, il est loisible de se demander s’il ne fut pas l’inspirateur de la composition.
Le thème de l’artiste dans son atelier est récurrent dans l’œuvre de Meissonier mais il est figuré le plus souvent en compagnie d’amateurs ou de clients. Il existe toutefois une composition très proche de celle-ci, Peintre à son chevalet (Cleveland, Museum of Art), datée comme elle de 1855 et sans aucun doute peinte juste après. Ce tableau présente une mise en scène plus élaborée qui s’écarte de la référence à Chardin. Le même modèle vêtu de manière identique (catogan et habit noir, bas verts, souliers à boucle), assis sur le même tabouret, apparaît cette fois-ci de profil, ce qui permet de confirmer qu’il s’agit d’un homme fait et non d’un enfant. Il est en train de peindre une scène mythologique dans le goût de Boucher. Son atelier, toujours encombré de toiles et de cartons à dessin, est parqueté et plus richement meublé33. On remarque notamment dans les deux tableaux la présence de la grande toile de format cintré contre le mur. Ajoutons que l’atelier de Cleveland comporte une chaise de style Louis XIII garnie de tapisserie utilisée par Meissonier dans Le Liseur noir (R.F. 1849).. L’artiste en début de carrière de notre tableau semble être désormais lancé. Au premier plan, on retrouve un papier chiffonné (témoin des repentirs de la création artistique ?) qui anime le sol d’une tache blanche.
Évoquant la concentration de l’artiste au travail, Le Dessinateur a frappé Vincent Van Gogh, grand admirateur de Meissonier : « Il y a une peinture que je trouve magnifique : c’est un personnage vu de dos penché, avec les pieds, je crois, sur la traverse du chevalet ; on ne voit rien que des genoux relevés, un dos, un cou et une nuque et on aperçoit juste un poing qui tient un crayon ou quelque chose de ce genre. Mais l’homme est là, et on sent son attention soutenue tout comme chez un certain personnage de Rembrandt, un petit homme en train de lire, lui aussi penché, la tête appuyée sur son poing, et on sent aussitôt qu’il est absolument plongé dans son livre44. Lettre de Van Gogh à son frère Théo, no 248, entre décembre 1881 et mars 1883, dans Vincent Van Gogh, The Complete letters of Vincent Van Gogh, Greenwich, New York Graphic Society, 1958, citée par Constance Cain Hungerford, « Introduction », dans Ernest Meissonier. Rétrospective [cat. exp. Lyon, musée des Beaux-Arts, 25 mars – 27 juin 1993], Lyon, musée des Beaux-Arts / Paris, Réunion des musées nationaux, 1993, p. 25-28, p. 26. Selon Constance C. Hungerford, Van Gogh connaissait sans doute Le Dessinateur par l’eau-forte qu’en avait exécutée Géry-Richard. ».

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. La position de la jeune femme représentée est en effet celle de la nymphe dans le carton donné par Boucher pour l’une des tapisseries de la célèbre tenture des Amours des dieux, Jupiter et Antiope.
2. Henri Didier (Rouen, 1823 – Vanves, 1868) avait une formation d’avocat. Élu député à plusieurs reprises sous le Second Empire, il était par ailleurs un familier du monde des lettres et du théâtre. Il posséda cinq tableaux de Meissonier. La dédicace, presque imperceptible, se trouve dans l’ombre de la toile de format cintré retournée, à proximité de la signature. L’artiste a apposé celle-ci à la manière d’une inscription à la craie sur le mur, au-dessus d’un croquis de cavalier évoquant une charge d’atelier.
3. On remarque notamment dans les deux tableaux la présence de la grande toile de format cintré contre le mur. Ajoutons que l’atelier de Cleveland comporte une chaise de style Louis XIII garnie de tapisserie utilisée par Meissonier dans Le Liseur noir (R.F. 1849).
4. Lettre de Van Gogh à son frère Théo, no 248, entre décembre 1881 et mars 1883, dans Vincent Van Gogh, The Complete letters of Vincent Van Gogh, Greenwich, New York Graphic Society, 1958, citée par Constance Cain Hungerford, « Introduction », dans Ernest Meissonier. Rétrospective [cat. exp. Lyon, musée des Beaux-Arts, 25 mars – 27 juin 1993], Lyon, musée des Beaux-Arts / Paris, Réunion des musées nationaux, 1993, p. 25-28, p. 26. Selon Constance C. Hungerford, Van Gogh connaissait sans doute Le Dessinateur par l’eau-forte qu’en avait exécutée Géry-Richard.
Bibliographie
Index
Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Le Dessinateur dit aussi Un homme dessinant (époque de Louis XV), dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=535

Choix du dossier où ajouter la notice

Vous devez sélectionner un dossier ou en créer un nouveau.
Vous devez saisir un nom de dossier.

Connexion

Courriel inconnu ou mot de passe incorrect. Veuillez réessayer.
Vous devez saisir le couriel avec lequel vous vous êtes inscrit.
Vous devez saisir le couriel avec lequel vous vous êtes inscrit.
Vous n'êtes pas encore inscrit ? Créer un compte
Vous avez oublié votre mot de passe ? Cliquez ici