Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Le Liseur noir (époque du xviie siècle) ou Le Liseur près de la fenêtre
Ernest Meissonier (Lyon, 1815 – Paris, 1891)

Inscription

S.D.b.g. : EMeissonier 1853 (E retourné et accolé au M )

Historique

Comtesse Lehon. Sa vente, Paris, hôtel Drouot, 2-3 avril 1861, no 11. Van Praet. Alfred Chauchard en 1892. Legs aux musées nationaux en 1906. Entrée matérielle au musée du Louvre en 1909. Comité du 4 décembre 1909. Conseil du 6 décembre 1909. Décret du 15 janvier 1910. Dépôt du département des Peintures du musée du Louvre en 1953. Entré au château de Compiègne le 25 juin 1953. Arrêté du 30 janvier 1957. Affecté au musée d’Orsay.

Commentaire

Ayant commencé sa carrière comme illustrateur, Ernest Meissonier se fit une réputation au Salon comme peintre de genre. Les petits tableaux sur bois qu’il exposa à partir du début des années 1840 s’inspiraient des maîtres hollandais pour la composition et les effets de lumière, et de l’Ancien Régime quant aux sujets. Dédaignant la grâce frivole de la vie de boudoir qui séduisait alors Eugène Lami ou Camille Roqueplan, il s’attacha notamment à décrire des gentilshommes du xviiie siècle dans leurs occupations intimes. Meissonier travaillait toujours d’après nature et était soucieux du moindre détail. Il habillait ses modèles de costumes d’époque achetés à peu de frais au marché du Temple. Le raffinement de ses mises en scène et l’habileté extrême de son pinceau lui valurent un succès considérable. Ses tableaux s’arrachaient à prix d’or. Ils entrèrent dans les collections des plus riches amateurs, tels que Lord Hertford et son fils Richard Wallace, ou des grands banquiers et hommes d’affaires comme les Delessert, les Rothschild, les Péreire ou le Belge Alfred Mosselmann. En 1855, parmi toutes les peintures françaises présentées à l’Exposition universelle, ce fut une œuvre de Meissonier, La Rixe (Londres, Royal Collection trust), que Napoléon III acquit, pour la somme considérable de 25 000 francs, afin de l’offrir au prince Albert pour son anniversaire. À la fin de sa vie, cet artiste qui avait toujours voulu être peintre d’histoire renia pourtant ses « bonshommes », affirmant qu’ils n’avaient été qu’une production alimentaire11. « Les bonshommes que j’ai faits […] ne sont pas l’expression de ma nature […] ; elle s’est résignée à les faire, voilà tout, mais en rêvant à autre chose. » Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 197..
La figure du liseur est l’un des thèmes favoris de Meissonier. Ce fut un tableau sur ce sujet qui lui valut au Salon de 1840 sa première récompense (une troisième médaille). Tout au long de sa carrière, il peignit au moins une dizaine de compositions mettant en scène un personnage masculin plongé dans un livre, souvent assis ou debout près d’une fenêtre deson atelier à Poissy. Selon les propos de l’artiste rapportés par Octave Gréard, elles reflètent sa nostalgie du « bon vieux temps » : « Si j’avais à répondre à l’accusation d’avoir multiplié mes Liseurs d’une autre époque : « C’est qu’alors ils étaient nombreux, dirais-je, en ces temps d’autrefois, où on lisait vraiment, en tenant délicatement son volume en amateur amoureux des bons livres et des belles reliures. » Si je faisais un Liseur aujourd’hui, il faudrait lui mettre un journal en main, et comme fond de bibliothèque, je devrais voir une série de brochures qui ne valent pas la peine d’être reliées, à coup sûr des éditions à un franc ! Vous voyez d’ici le monsieur moderne assis dans cet intérieur-là…22. Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 216. ». Ses variations sur ce motif furent très rapidement distinguées d’après la couleur du costume : Liseur blanc de 1857 (Paris, musée d’Orsay), Liseur rose de 1854, ou encore ce Liseur noir. Au-delà de ces détails de mise en scène, chacun possède un tempérament distinct. La mise sombre de celui-ci s’accorde à son air sérieux. Le ciel gris l’a contraint à se lever de sa chaise et à se rapprocher de la lumière pour lire à son aise. C’est à son propos qu’Octave Gréard remarquait : « Certes […] ce ne sont pas les mêmes hommes, celui qui, debout contre une fenêtre, l’œil fixe, le visage tendu, achève avec une passion mal contenue l’ouvrage qu’il serre étroitement contre sa poitrine, et celui qui, à l’aise dans un large fauteuil, une main soutenant son front, tient délicatement de l’autre, comme en le caressant, le petit livre élégant dont Jules Janin, en bibliophile, avait remarqué la reliure exquise […]33. Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 35-36.. » Tout de noir vêtu, notre jeune homme a en effet tout l’air de posséder une sensibilité que l’on est tenté de qualifier de romantique.
À propos du Liseur présenté par l’artiste au Salon de 1840, un chroniqueur du Charivari avait formulé cette boutade : « François Ier l’eût acheté, Louis XIV l’eût acheté, un banquier l’achètera44. « Salon de 1840 », Le Charivari, 7 avril 1840, p. 2, cité par Hungerford 1993, p. 55. » Le destin du Liseur noir confirme cette prédiction. Il a en effet appartenu à la comtesse Le Hon, née Fanny Mosselmann, sœur du banquier belge Alfred Mosselmann, également collectionneur d’œuvres de Meissonier. Elle l’obtint de l’artiste contre la coquette somme de 6 000 francs. En 1853, année où fut peint ce tableau, il accepta également de faire son portrait, fait rare dans sa carrière. La comtesse était alors une personnalité en vue du Tout-Paris. Depuis 1836, elle était la maîtresse notoire du comte de Morny (1811-1865), frère adultérin de Napoléon III. Selon Constance Cain Hungerford, madame Le Hon prêta le Liseur noir à l’Exposition universelle de 1855 sous le titre La Lecture. Lors de la vente qui dispersa sa collection en 1861, l’œuvre fut achetée par l’homme d’état belge Jules Van Praet, grand amateur des œuvres de Meissonier (voir R.F. 1848), pour le double de son prix initial.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. « Les bonshommes que j’ai faits […] ne sont pas l’expression de ma nature […] ; elle s’est résignée à les faire, voilà tout, mais en rêvant à autre chose. » Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 197.
2. Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 216.
3. Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 35-36.
4. « Salon de 1840 », Le Charivari, 7 avril 1840, p. 2, cité par Hungerford 1993, p. 55
Index

Genre :
Scènes de genre
Peinture d’intérieur

Index iconographique :
Homme ; livre

Œuvre en rapport dans la collection
Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Le Liseur noir (époque du xviie siècle) ou Le Liseur près de la fenêtre, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=534

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