Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Les Ruines des Tuileries
Ernest Meissonier (Lyon, 1815 – Paris, 1891)

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En bas, au milieu dans un cartouche : GLORIA MAIORVM PER FLAMMAS VSQVE SVPERSTES / MAIVS MDCCCLXXI

Historique

Atelier de l’artiste. Veuve E. Meissonier. Legs en 1898 aux musées nationaux ratifié par un décret du 19 janvier 1903. Entré effective au musée du Louvre le 8 janvier 1903. Dépôt du département des Peintures en 1953. Entré au château de Compiègne le 19 juin 1953. Arrêté du 30 janvier 1957.

Commentaire

Les Tuileries furent incendiées le 23 mai 1871 mais les ruines du palais subsistèrent jusqu’à leur démolition en 1883, année où ce tableau fut présenté le 15 septembre à l’exposition nationale La Triennale. Il est né d’une vision qu’eut Meissonier quelques jours après les événements. Passant devant les façades noircies par le feu, il fut frappé de constater que les noms des victoires d’Austerlitz et de Marengo brillaient encore sous le soleil de mai aux cartouches de la salle des Maréchaux. Patriote farouche, il y vit un signe et voulut en faire une peinture11. « J’allais à l’Institut avec Lefuel, l’architecte du Louvre. Il est des moments où l’esprit est monté à un certain diapason : nous passions devant les Tuileries en ruines ; dans ce colossal effondrement, je fus subitement frappé de voir rayonnant intacts les noms des deux victoires incontestées, … Marengo !… Austerlitz ! Je voyais mon tableau, je m’installai dans les décombres d’abord, dans une guérite après, et je fis l’aquarelle en huit jours. […] La guérite n’était pas de trop, car, en arrivant à mon travail un matin, le gardien me dit : « Ah ! Monsieur Meissonier, vous avez eu de la chance : à peine aviez-vous quitté la place hier, que ceci tombait à votre place. » C’était un énorme morceau de corniche, qui à coup sûr m’eût tué. /Il est certain qu’il faut être celui qui doit voir les choses, pour les exécuter ; mais, par deux fois, là aux Tuileries et pour la Barricade en 1848, j’ai eu la chance de passer au moment saisissant… C’est dans la disposition d’esprit où l’on se trouvait alors que le saisissement des noms flamboyants de Marengo et d’Austerlitz m’a inspiré ce tableau. La pierre se gondolait sous l’action terrible du feu ; elle s’entr’ouvrait, comme pour parler… C’est la Victoire qui s’en va sur son char, qui nous abandonne !… J’ai fait ce tableau en 1871, saisi par le tragique aspect des choses. Je l’ai expliqué par un vers latin au-dessous. Remarquez que si les deux noms de victoires, dans les cartouches au-dessous des ruines, eussent été Wagram, Leipzig, … ce n’eût pas été la gloire pure d’Austerlitz, Marengo !… Ces deux derniers noms restent étincelants dans l’histoire, comme au-dessus de l’effondrement du palais… » Propos de Meissonier publiés par Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 247-250..
Le regard plonge à travers le pavillon central selon une perspective que Ph. Guilloux a qualifiée de piranésienne, effet renforcé par l’opposition entre l’obscurité du rez-de-chaussée et la lumière qui baigne l’étage supérieur. Lors de la seconde exposition de la toile en 1884 à la galerie Georges Petit, l’artiste en fit publier au catalogue la description suivante : « Le spectateur est placé du côté du jardin, au-dessous de l’horloge. Il voit le vestibule encombré par les ruines du plancher de la salle des Maréchaux. Dans le haut, sur la paroi du mur, deux écussons, que les flammes ont respectés, portent les noms de Marengo et d’Austerlitz. Dans le fond, on aperçoit le quadrige de la Victoire surmontant l’arc de triomphe [du Carrousel], qui semble s’éloigner. Au bas du tableau, est gravé sur une pierre un vers latin : Gloria majorum usque per flammas superstes. Et la date, Maius 1871. » Ce vers était dû au dramaturge Émile Augier, ami de Meissonier. Jules Claretie le traduisit ainsi : « La gloire des aïeux brille encore au travers [des flammes]. » Alors que dans son Souvenir de guerre civile (1848, Paris, musée du Louvre), le peintre s’était contenté de traduire crûment la vision des cadavres amoncelés sur une barricade, il éprouva le besoin d’ajouter à cette image une légende qui en explicitât le sens. Grand admirateur de la figure de Napoléon dont il se fit l’historien dans sa peinture, Meissonier voulait rappeler, en pleine défaite militaire, les heures de triomphe qu’avait connues la France. À propos de l’aquarelle qu’il exécuta en mai 1871 sous le coup de son émotion, le catalogue de sa rétrospective posthume en 1893 précise : « Et dans le haut, par la muraille déchirée, le ciel bleu parle d’apaisement et de sérénité22. Meissonier [cat. exp. Paris, galerie Georges Petit, mars 1893], Paris, galerie Georges Petit, 1893, no 416, p. 87. ! »

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. « J’allais à l’Institut avec Lefuel, l’architecte du Louvre. Il est des moments où l’esprit est monté à un certain diapason : nous passions devant les Tuileries en ruines ; dans ce colossal effondrement, je fus subitement frappé de voir rayonnant intacts les noms des deux victoires incontestées, … Marengo !… Austerlitz ! Je voyais mon tableau, je m’installai dans les décombres d’abord, dans une guérite après, et je fis l’aquarelle en huit jours. […] La guérite n’était pas de trop, car, en arrivant à mon travail un matin, le gardien me dit : « Ah ! Monsieur Meissonier, vous avez eu de la chance : à peine aviez-vous quitté la place hier, que ceci tombait à votre place. » C’était un énorme morceau de corniche, qui à coup sûr m’eût tué. /Il est certain qu’il faut être celui qui doit voir les choses, pour les exécuter ; mais, par deux fois, là aux Tuileries et pour la Barricade en 1848, j’ai eu la chance de passer au moment saisissant… C’est dans la disposition d’esprit où l’on se trouvait alors que le saisissement des noms flamboyants de Marengo et d’Austerlitz m’a inspiré ce tableau. La pierre se gondolait sous l’action terrible du feu ; elle s’entr’ouvrait, comme pour parler… C’est la Victoire qui s’en va sur son char, qui nous abandonne !… J’ai fait ce tableau en 1871, saisi par le tragique aspect des choses. Je l’ai expliqué par un vers latin au-dessous. Remarquez que si les deux noms de victoires, dans les cartouches au-dessous des ruines, eussent été Wagram, Leipzig, … ce n’eût pas été la gloire pure d’Austerlitz, Marengo !… Ces deux derniers noms restent étincelants dans l’histoire, comme au-dessus de l’effondrement du palais… » Propos de Meissonier publiés par Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 247-250.
2. Meissonier [cat. exp. Paris, galerie Georges Petit, mars 1893], Paris, galerie Georges Petit, 1893, no 416, p. 87.
Bibliographie
Expositions
Index
Œuvre en rapport dans la collection
Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Les Ruines des Tuileries, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=530

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