Dans le jardin du presbytère, dit aussi Le Presbytère
Thomas Couture (Senlis, 1815 – Villiers-le-Bel, 1879)
Dans le jardin du presbytère, dit aussi Le Presbytère
Thomas Couture (Senlis, 1815 – Villiers-le-Bel, 1879)
xixe siècle
Huile sur toile
H. 0,73 ; L. 0,92 m
C.71.006
Indivision Couture, état du 16 février 1884, no 119 [« Dans le jardin du presbytère (Tableau inachevé) »]. Jeanne Couture, épouse Grodet, fille de l’artiste. Camille Grodet-Moatti. Don avec réserve d’usufruit en 1971. Entré au château de Compiègne le 19 août 1976.
Ce fut pendant l’été 1867 ou 1868 que Couture élabora cette composition destinée à William Tilden Blodgett, son principal collectionneur aux États-Unis. Dans une lettre à l’un de ses élèves, il en livre une savoureuse explication : « Voici en quelques mots le sujet du tableau auquel je travaille : il représente “Le Presbytèreˮ. Le curé est là chez lui, dans son jardin. Aussi, au lieu de lire, comme au-dehors, son bréviaire, il lit son journal. Il se promène dans les allées sablées, bordées de quenouilles ; des fruits pendent aux arbres, les raisins pendent aux treilles, des abeilles bourdonnent autour de leurs ruches. Tout annonce le confort, le bien-être chez ce brave homme de prêtre qui s’accommode de ce qu’il y a de meilleur sur cette terre. Ne lui parlez pas d’un luxe raffiné ; il se contente, après ses repas succulents, de fruits bien choisis et abandonne volontiers aux vaniteux de ce monde les vins frelatés et les nids d’hirondelles. Lui, l’homme simple, que lui faut-il pour compléter son dîner ? Regardez le titre de son journal, c’est “L’Universˮ, rien que cela ! Il n’en demande pas davantage. Comme c’est beau la simplicité catholique…11. Lettre citée par Georges Bertauts-Couture, Thomas Couture (1815-1879) sa vie, son œuvre, son caractère, ses idées, sa méthode, Paris, Le Garrec, 1932. 1932, p. 81-82. ».
S’appuyant sur ce texte, Albert Boime a interprété cette composition comme un indice de l’adhésion de Couture au catholicisme ultramontain et au parti légitimiste. On peut aussi percevoir une certaine ironie de la part de l’artiste dans cette description. Une telle lecture correspondrait davantage à ce que l’on sait de ses opinions anticléricales. Cette toile peut être également regardée comme un hymne aux plaisirs de la vie à la campagne, à une période où Couture achevait de rompre avec Paris. Ce fut en effet en 1868 qu’il loua une propriété à Villiers-le-Bel avant d’y acheter un château l’année suivante.
Sur le plan formel, Couture s’est sans doute inspiré de La Lecture (voir C.53.032), toile qu’il avait exécutée en 1860, au moment où il avait commencé à abandonner la capitale pour faire de longs séjours à Senlis. La position du curé et la lucarne triangulaire de la maison à l’arrière-plan rappellent directement cette composition, de même que l’effet de soleil sur le chemin, la treille et la cour. Toutefois, le cadrage, beaucoup plus large, induit une distance à l’égard du personnage, en accord avec l’intention du peintre. La toile est entrée dans les collections compiégnoises sous le titre Le Presbytère (Villiers-le-Bel), mais elle n’est sans doute pas fidèle à la réalité d’un lieu particulier. La maison à la lucarne que l’on retrouve dans La Lecture est vraisemblablement celle de l’artiste à Senlis. Un autre élément semble corroborer cette hypothèse : dans une esquisse du tableau conservée au musée des Beaux-Arts de Bagnères-de-Bigorre22. Huile sur toile, H. 0,35 ; L. 27 cm. Voir Albert Boime, Thomas Couture and the Eclectic Vision, New Haven / Londres, Yale University Press, 1980, p. 392, repr. pl. IX.136., deux colombes volent au-dessus du toit. La présence de ces oiseaux, comme dans La Lecture, pourrait faire allusion à l’adresse du domicile senlisien de la famille Couture, rue des Colombes-Blanches.
Cette œuvre qui provient du fonds d’atelier du peintre est restée à l’état d’ébauche. Le dessin sous-jacent est encore bien visible, notamment au niveau de la tête du prêtre. Comme à son habitude, Couture a repris les contours et établi les grandes masses à l’aide d’une « sauce » (selon ses propres termes) de bleu de cobalt ou de brun, comme en témoignent les semis au premier plan, la silhouette du curé et la partie droite de la composition. La végétation et les éléments d’architecture ont été plus poussés, les couleurs étant posées par petites touches empâtées. Certaines parties comme les feuillages de la treille ou la façade de la maison sont même très abouties. Cette différence dans le degré d’exécution renforce la construction lumineuse du tableau, accentuant le contraste entre la cour baignée de soleil et le jardin plongé dans l’ombre. Des repentirs sont visibles au niveau des toits et de l’arbre que l’on aperçoit derrière la maison. Ils ont été masqués par une couche blanche qui tranche aujourd’hui légèrement sur la préparation industrielle apparente dans le ciel, resté vierge. Le peintre renonça-t-il à terminer la composition en raison de ces modifications ? Blodgett montra-t-il trop peu d’intérêt pour ce projet ? Dans son état d’inachèvement, la toile offre en tout cas un effet d’ensemble subtil et équilibré que Couture jugea peut-être satisfaisant. Sa restauration en 2015 a permis de mieux apprécier la finesse de son coloris.
Plusieurs dessins préparatoires pour ce tableau sont conservés dans les collections du château de Compiègne (C.71.287, détail d’architecture, dessin vraisemblablement préparatoire au tableau La Lecture, voir C.53.032).
Auteur du commentaire : Laure Chabanne
Genre :
Scènes de genrePaysage → RustiqueÉbauches, compositions inachevées
Index iconographique :
Jardin ; maison ; oiseau ; prêtre
Cette œuvre appartient à l’ensemble :
Thomas Couture
Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne
Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Dans le jardin du presbytère, dit aussi Le Presbytère, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=403