Le Docteur Conneau en docteur Faust
Félix Cottrau (Paris, 1799 – Paris, 1852)
Le Docteur Conneau en docteur Faust
Félix Cottrau (Paris, 1799 – Paris, 1852)
1832
Huile sur toile
H. 1,15 ; L. 0,95 m
MMPO 1747
S.D.b.g. : Félix Cottrau 1832
Général Conneau. Don du général Conneau et de Mlle Henriette Conneau au musée national du château de Malmaison. Dépôt du musée national du château de Malmaison à Compiègne en 1952. Entré au château de Compiègne le 7 novembre 1952. Arrêté du 24 octobre 1972.
Le docteur Henri Conneau (1803-1877) fut le médecin et l’un des proches de Napoléon III. Né en Italie, devenu dès 1820 le secrétaire de Napoléon-Louis Bonaparte, frère aîné de Louis-Napoléon, il prit part aux aventures politiques malheureuses des deux frères en Romagne en 1831 et recueillit le dernier soupir de Napoléon-Louis. Ayant suivi la famille Bonaparte à Arenenberg en Suisse, il devint le confident et l’ami de Louis-Napoléon. Selon les dernières volontés de la reine Hortense dont il avait été le fidèle médecin, il lui consacra sa vie. Conneau fut le compagnon discret de l’ascension politique et du règne comme des heures sombres de l’exil. C’est à lui que Napoléon III aurait adressé ses dernières paroles sur son lit de mort, le 8 janvier 1873.
Peint à l’époque où Conneau résidait à Arenenberg auprès de la reine Hortense, ce portrait est dû à un autre fidèle de la souveraine déchue, Félix Cottrau11. Sur Cottrau, voir Marie-Claude Chaudonneret, « Le cénacle artistique et la collection de la reine Hortense », dans La Reine Hortense. Une femme artiste [cat. exp. Rueil-Malmaison, musée national du château, 27 mai – 27 septembre 1993], Paris, Réunion des musées nationaux, 1993, p. 63-68, p. 66. Nous remercions également Christina Egli, en charge des collections du château d’Arenenberg (Napoleonmuseum, Salenstein), des informations qu’elle nous a aimablement communiquées sur Cottrau et Conneau à l’époque où ils faisaient partie de l’entourage de la reine Hortense.. Son père, Guillaume Joseph Cottrau (1757-1825), avait exercé différentes fonctions dans l’administration du royaume de Naples sous Joseph Bonaparte, puis sous Joachim Murat. Sa mère était la comtesse Adélaïde Girault d’Égrefeuille. Ayant reçu une excellente éducation, Cottrau s’était initié à la peinture à Paris. En 1828, il figurait parmi les familiers de la reine Hortense à Rome. De 1832 à la mort de celle-ci en 1837, il passa la plupart de son temps à Arenenberg. Ce fut là que Chateaubriand le rencontra. Il le décrit en ces termes dans ses Mémoires d’outre-tombe : « Après le dîner, madame de Saint-Leu [la reine Hortense] s’est mise à son piano avec M. Cottrau, grand jeune peintre à moustache, à chapeau de paille, à blouse, au col de chemise rabattu, au costume bizarre. Il chassait, il peignait, il chantait, il riait, spirituel et bruyant22. François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Paris, Garnier, 1828, p. 587.. » Cottrau participa au Salon de 1827 à 1845, y envoyant des portraits et des peintures d’histoire, notamment à sujets religieux. Il peignit la souveraine en exil à de nombreuses reprises. L’un de ces portraits la montre accoudée à un guéridon (Ajaccio, palais Fesch, musée des Beaux-Arts), tandis qu’un autre la représente dans la même pose près d’un orgue ou d’un harmonium (1834, Arenenberg-Salenstein, Napoleonmuseum). On doit également au peintre une charmante vue du salon de la reine à Rome (Rueil-Malmaison, musée national du château de Malmaison). Après le décès de la reine Hortense, Cottrau accompagna Louis-Napoléon lors de son séjour en Angleterre. À sa mort en 1852, il occupait à Paris le poste d’inspecteur des Beaux-Arts.
Ce portrait de fantaisie témoigne de l’amitié et de la complicité qui liaient le peintre et le modèle. Cottrau s’empare du thème du Faust de Goethe, fort à la mode à l’époque romantique, pour mettre en valeur, non sans humour, le savant docteur Conneau33. Une aquarelle de Cottrau conservée à la Fondation Dosne-Thiers dans un album de portraits-charges exécutés par Cottrau et Alphée de Régny, les Pochades d’Arenenberg, représente également le docteur Conneau en savant, vêtu d’une longue robe noire et coiffé d’un bonnet à oreilles, debout devant une table où trône un crâne au milieu de fioles et autres alambics. Nous remercions Christina Egli de nous avoir signalé cet amusant dessin.. Le modèle apparaît dans l’encadrement d’une fenêtre, dispositif qui évoque les portraits de l’école hollandaise, très prisée des collectionneurs depuis la fin du xviiie siècle. La tête nue, la barbichette soigneusement taillée, Faust – Conneau porte un manteau à revers de fourrure sur un pourpoint brodé assorti d’une curieuse chemise blanche au col en pointes. Il observe le contenu d’une fiole. S’agit-il du jeune Faust ou bien du vieux docteur rajeuni par Méphistophélès et rêvant à Marguerite ? La présence d’un coffret à sa droite semble faire référence aux bijoux offerts à la belle pour la séduire. Au portrait et à l’évocation littéraire se mêlent la scène de genre historique et son goût romantique du pittoresque. Rappelons que la reine Hortense avait hérité de sa mère, l’impératrice Joséphine, sa collection de peintures dites aujourd’hui « troubadour ». On imagine sans peine l’intérêt que l’exécution du tableau dut susciter au sein de la petite communauté réunie au château d’Arenenberg.
Auteur du commentaire : Laure Chabanne
Index des personnes représentées :
Henri Conneau (Milan, 1803 – La Porta, 1877)
Index iconographique :
Costume ; homme ; médecin
Cette œuvre appartient à l’ensemble :
Les portraits des musées du Second Empire
Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne
Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Le Docteur Conneau en docteur Faust, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=361