Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Portrait d’une jeune aristocrate polonaise (la princesse Zofia Odescalchi, née Branicka
Franz Xaver Winterhalter (Menzenschwand, 1805 – Francfort, 1873)

Inscription

Monogrammé vers le bas à droite : W

Historique

Acquis 4 000 RM en octobre 1943 à Paris (commerce d’art « Aux bibelots anciens ») par la galerie Wimmer de Munich. Vendu par cette galerie le 2 février 1944 au musée de Linz (no 2857). Enregistré au Central Collecting Point de Munich (no 9702). Attribué au musée du Louvre par l’Office des biens et intérêts privés en 1952. Déposé à Compiègne en 1953. En attente de sa restitution à ses légitimes propriétaires.

Commentaire

Issu de la Récupération artistique et donc dépourvu de provenance et d’historique, ce tableau n’a pas encore livré tous ses mystères. Par son style et sa composition, il s’inscrit clairement dans la production du portraitiste Franz Xaver Winterhalter, très vraisemblablement au début des années 1840. Il est monogrammé mais non signé, comme c’était généralement le cas des répétitions exécutées par l’atelier de l’artiste sous sa direction.
Au revers du tableau, la traverse du châssis porte une inscription manuscrite à l’encre noire : « WINTERHALTER/ Portrait de la princesse LUBOMIRSKA », ce qui offre une piste importante pour tenter d’identifier le modèle. Les princes Lubomirski formaient une éminente famille de l’aristocratie polonaise qui comportait au xixe siècle deux lignées dont l’une possédait quatre branches. Ils étaient donc fort nombreux. Si l’on considère que la version princeps de ce tableau a été peinte dans les années 1840, la liste des princesses Lubomirska (de naissance ou par alliance) qui avaient alors l’âge du modèle (entre quinze et trente ans) est assez longue : Felicja (1810-1855), née comtesse Mniszek-Buzenin, épouse de Jerzy Lubomirski (1799-1865) ; Karolina (1818-1890), née princesse Ponińska-Łodzia, épouse depuis 1840 d’Adam Lubomirski (1812-1873) ; quatre des filles du prince Konstanty Lubomirski (1786-1870), Walentyna Maria Izabela (1817-1889), mariée en 1845 au comte Raymond de Ségur d’Aguesseau (1803-1889), Krystyna (1825-1851), qui épousa son cousin germain Eugeniusz Adolf Lubomirski (1825-1911), Jadwiga Maria (1828-1908) et Maria Anna Dorota (1831-1905), qui s’allièrent à deux frères de la famille Goetzendorf Grabowski, Adam Wacław Jan (1827-1899) et Władysław Maria Józef (1829-1858) ; les deux filles du prince Henryk (1777-1850), Izabela Maria (1808-1868), mariée en 1829 à Władysław Hieronim Sanguszko (1803-1870), et Jadwiga Julia Wanda (1815-1895), épouse depuis 1836 du prince Eugène Ier de Ligne (1814-1880) ; leur belle-sœur, Cecylia (1831-1904), née Zamoyska, épouse du prince Jerzy Henryk Lubomirski (1817-1872) ; Honorata Kraszewska (1814-1890), mariée en 1832 au prince Antoine Jules Lubomirski (1801-1885) ; enfin, Jadwiga, née en 1819 princesse Jablonowska, épouse à partir de 1837 du prince Marceli Lubomirski (1810-?). L’identification précise du modèle n’est donc pas chose aisée.
Parmi ces jeunes femmes, deux ont été assurément portraiturées par Winterhalter : la brune Cecylia (La Princesse Cecylia Lubomirska, huile sur toile, signée et datée 1853, Wroclaw, musée national), ainsi qu’Izabela Maria. En effet, la liste des œuvres de Winterhalter établie par ses descendants d’après ses propres notes mentionne un tableau intitulé « La Princesse Sangusko11. Carol Blackett-Ord, Susan Foister, Richard Ormond, « Les portraits de Franz Xaver Winterhalter. Réédition annotée des listes de tableaux de Winterhalter publiées en 1894 par Franz Wild » dans Franz Xaver Winterhalter et les cours d’Europe de 1830 à 1870 [cat. exp. Paris, musée du Petit Palais, 12 février – 7 mai 1988], Paris, musée du Petit Palais, 1988, p. 226-238, no 483, p. 238. », ainsi qu’une seconde toile, « La Princesse Sagausko [sic] (fille Hélène)22. Blackett-Ord, Foister, Ormond, ibid., no 278, p. 234. », un portrait de la princesse Hélène Sanguszko (1836-1891), fille d’Izabela (œuvre peinte en 1857, connue par une photographie ancienne et actuellement non localisée). Toutefois, Izabela Lubomirska était une brune aux yeux bruns33. Voir le portrait d’elle avec ses deux filles peint en 1845 par Giuseppe Giacomo Battig, Pologne, musée du district de Tarnów., tout comme sa sœur, la princesse de Ligne. Le portrait mentionné dans la liste ne peut donc être celui conservé à Compiègne.
En tout état de cause, le modèle de ce tableau semble avoir vingt ans à peine. La simplicité de la robe blanche, l’absence de bijoux et le style de la coiffure laissent à penser qu’il s’agit d’une jeune fille. Parmi les cousines d’Izabela Maria nées entre 1815 et 1825, restent alors en lice Karolina Ponińska-Łodzia et Jadwiga Jablonowska, ainsi que Walentyna et Krystyna Lubomirska. Épouse d’un aristocrate français, Walentyna se trouvait à Paris dans les années 1840.
Il pourrait également s’agir d’une autre princesse polonaise. En effet, Iwona Danielewicz, conservateur au musée national à Varsovie, nous a fait remarquer la proximité des traits du modèle avec ceux de la princesse Zofia Katarzyna Odescalchi (1821-1886), connus par un tableau de Winterhalter se trouvant dans cette collection (La Princesse Zofia Odescalchi, huile sur toile, Varsovie, musée national, INV. 128902). Cette toile n’est pas datée, mais le style de la composition la situe clairement dans les années 1860, sans doute vers 1862-1863. La ressemblance est frappante. Les yeux du modèle ont notamment le même éclat gris bleu. Dans les deux cas, la chevelure bouclée auréole le visage avec une liberté étonnante par rapport aux conventions parisiennes et sa blondeur s’anime de reflets cuivrés. Il ne paraît pas à exclure qu’il s’agisse de la même femme à une vingtaine d’années d’intervalle. Née comtesse Branicka, la princesse est une cliente attestée de Winterhalter. Selon la liste d’œuvres constituée par les descendants de l’artiste, il exécuta deux portraits d’elle, dont un seul, celui du musée national à Varsovie, est aujourd’hui connu. Celui conservé à Compiègne pourrait être le second. Avant d’épouser le prince Livio III Odescalchi (1833-1885) en juillet 1841 à Francfort, la jeune Zofia séjourna pendant un an à Paris. Elle était alors dans sa dix-neuvième année et put être tentée de faire appel au nouveau portraitiste à la mode, peut-être dans le cadre de la conclusion de son mariage. La commande de ce tableau aurait dans ce cas marqué le tout premier contact entre Winterhalter et la famille Branicki dont les dames furent ses fidèles clientes dans les années 1850-1860, après l’installation en France du frère de Zofia, Ksawery (1816-1879), en 184844. Voir les notices no 44, 61 et 82 dans Franz Xaver Winterhalter. Portraits de cour, entre faste et élégance [cat. exp. Compiègne, musées nationaux du Palais, 30 septembre 2016 – 15 janvier 2017], Paris, Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2016. Remarquons que l’identification de la forteresse visible sur la gauche du tableau, derrière le modèle, fournirait sans doute également un indice..
Cette hypothèse est séduisante. Il resterait toutefois à expliquer le titre inscrit au dos de la toile. Erreur d’identification ? Confusion avec un autre portrait représentant une princesse Lubomirska ? Il est à noter que le tableau a souffert dans son histoire récente d’une telle méprise. Il a en effet été considéré comme un portrait de la princesse Amélie de Bavière (1801-1877), malgré les traits bien différents et la chevelure brune de celle-ci. Nous remercions Alain Prévet de nous avoir signalé que cette identification erronée venait d’une confusion entre la toile conservée à Compiègne et un portrait de cette princesse par Joseph Karl Stieler (1781-1858), confusion survenue lors de l’enregistrement des œuvres à leur arrivée d’Allemagne après la seconde guerre mondiale.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. Carol Blackett-Ord, Susan Foister, Richard Ormond, « Les portraits de Franz Xaver Winterhalter. Réédition annotée des listes de tableaux de Winterhalter publiées en 1894 par Franz Wild » dans Franz Xaver Winterhalter et les cours d’Europe de 1830 à 1870 [cat. exp. Paris, musée du Petit Palais, 12 février – 7 mai 1988], Paris, musée du Petit Palais, 1988, p. 226-238, no 483, p. 238.
2. Blackett-Ord, Foister, Ormond, ibid., no 278, p. 234.
3. Voir le portrait d’elle avec ses deux filles peint en 1845 par Giuseppe Giacomo Battig, Pologne, musée du district de Tarnów.
4. Voir les notices no 44, 61 et 82 dans Franz Xaver Winterhalter. Portraits de cour, entre faste et élégance [cat. exp. Compiègne, musées nationaux du Palais, 30 septembre 2016 – 15 janvier 2017], Paris, Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2016. Remarquons que l’identification de la forteresse visible sur la gauche du tableau, derrière le modèle, fournirait sans doute également un indice.
Index

Genre :
Portraiten buste

Index des personnes représentées :
Zofia Katarzyna Branicka, princesse Odescalchi (Biała, 1821 – Rzym, 1886)

Index iconographique :
Femme ; rose

Cette œuvre appartient aux ensembles :
Franz Xaver Winterhalter
Les portraits des musées du Second Empire

Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Portrait d’une jeune aristocrate polonaise (la princesse Zofia Odescalchi, née Branicka ?) dit anciennement à tort La Princesse Amélie de Bavière, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=617

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