Dragon à cheval tenant un pistolet
Ernest Meissonier (Lyon, 1815 – Paris, 1891)
Dragon à cheval tenant un pistolet
Ernest Meissonier (Lyon, 1815 – Paris, 1891)
xixe siècle
Huile sur bois
H. 0,25 ; L. 0,18 m
R.F. 1868
C.53.D.52
M.b.d. : EM (E retourné et accolé au M )
Alfred Chauchard. Legs aux musées nationaux en 1906. Entrée matérielle au musée du Louvre en 1909. Comité du 4 décembre 1909. Conseil du 6 décembre 1909. Décret du 15 janvier 1910. Dépôt du département des Peintures en 1953. Entré au château de Compiègne le 25 juin 1953. Arrêté du 30 janvier 1957. Affecté au musée d’Orsay.
Dans la seconde partie de sa carrière, Ernest Meissonier s’orienta vers la représentation de figures et de faits militaires. Son goût pour ces sujets s’était manifesté dans son œuvre dès les années 1840 à travers le type du cavalier, du mousquetaire ou du spadassin. Il se rattachait toutefois clairement au souvenir de la peinture hollandaise que l’artiste admirait. À partir de 1864, date de la présentation au Salon de 1814, la campagne de France (Paris, musée d’Orsay), il ambitionna de créer des compositions historiques mettant en scène la geste napoléonienne. Il multiplia par ailleurs les tableaux de genre figurant des soldats du xviiie siècle et de l’Empire, seuls ou en groupe, et se passionna pour la juste description des armes et des uniformes.
Dragon à cheval tenant un pistolet s’inscrit dans cette seconde veine. Meissonier reprend dans cette étude une composition mise au point en 1863 avec Vedette des dragons sous Louis XV (Chantilly, musée Condé) : le cavalier est figuré de profil, à l’arrêt en sentinelle, tenant une arme dans la main droite, ce qui permet au peintre de détailler sa tenue, sa monture et son harnachement. Cette représentation est d’autant plus précise qu’elle fut peinte à partir d’un équipement militaire du 23e régiment de dragons (comme l’indique le chiffre 23 visible sur le drap de selle et sur le paquetage) qui datait du Consulat et que possédait l’artiste. Il le peignit à plusieurs reprises en variant la pose du modèle et celle du cheval dans une série de tableaux que l’on peut dater des années 1870 et du début des années 188022. La collection Chauchard dont provient notre peinture en comportait quatre autres, tous affectés aujourd’hui au musée d’Orsay : Dragon en vedette dans la campagne, vers 1876, R.F. 1870 ; Dragon à cheval portant le manteau en bandoulière, vers 1883, R.F. 1871 (en dépôt au musée de l’Armée) ; Dragon en vedette dans la campagne, 1879, R.F. 1872 ; Dragon en vedette dans la campagne, 1880, R.F. 1873. Le thème apparut peut-être dès les années 1860 dans l’œuvre de Meissonier : O. Gréard signale un tableau intitulé La Vedette et daté 1864 qui figurait un dragon à cheval, fusil en main, avec le no 23 sur le drap de selle et le paquetage. Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 399.. La plupart sont restés à l’état d’études, dont certaines peuvent être directement mises en relation avec une composition ambitieuse intitulée Le Guide33. Cette composition met en scène un paysan alsacien contraint de guider en Forêt-Noire pendant l’hiver un groupe de dragons du 23e régiment, à l’époque où celui-ci faisait partie de l’armée de Rhin-et-Moselle (1795-1797). Meissonier y travailla pendant plusieurs années. Octave Gréard, Jean-Louis-Ernest Meissonier. Ses souvenirs – ses entretiens, Paris, Hachette, 1897, p. 228-231. Elle est connue par une peinture (collection privée) qui fut exposée par Meissonier en 1883 à la Triennale et par une aquarelle (Yale University Art Gallery) dont Gréard situe l’exécution dès 1874.. Il ne semble pas toutefois que ce soit le cas de la nôtre : traditionnellement datée vers 1873, elle compterait parmi les premières occurrences de ce motif. Quant à l’équipement de dragon, il se trouve aujourd’hui au musée de l’Armée à Paris. En effet, la collection d’uniformes réunie par Meissonier devint le fonds constitutif du musée historique de l’Armée qui fut créé en 1896 par la société La Sabretache sous la présidence du peintre Édouard Detaille, son élève et successeur en matière de peinture militaire.
Le souci de véracité de Meissonier ne se bornait pas au costume et aux accessoires. Toujours farouchement attaché à l’étude d’après nature, il s’intéressa à partir des années 1860 au rendu des figures en plein air lorsque ses sujets le demandèrent. En 1859, lors de la campagne d’Italie, puis en 1870, quand il prit part à la guerre franco-prussienne, l’artiste observa également avec la plus grande attention la vie militaire : « Jusqu’ici j’ai acquis la certitude que personne n’a encore fait quoi que ce soit qui ressemble aux soldats en campagne. Les képis, les sacs, les uniformes, tout cela prend des tournures incroyables. La poussière, la pluie, le soleil leur donnent des couleurs inconnues […]11. Archives de la famille Meissonier, lettre datée après le 4 août 1870, citée par Constance Cain Hungerford, « La redingote grise », dans Ernest Meissonier. Rétrospective [cat. exp. Lyon, musée des Beaux-Arts, 25 mars – 27 juin 1993], Lyon, musée des Beaux-Arts / Paris, Réunion des musées nationaux, 1993, p. 188-199, p. 198.. » Brossé avec vivacité, l’uniforme de ce dragon, d’un vert vif à l’origine, semble précisément décoloré par le soleil et la poussière. Le visage un peu rouge, l’ombre courte du cheval notée à grands traits et quelques touches de bleu vif à l’arrière-plan suffisent à indiquer qu’il est posté sous la chaleur accablante d’une belle journée d’été.
Auteur du commentaire : Laure Chabanne
Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne
Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Dragon à cheval tenant un pistolet, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=539