Jacques Kuhnmunch, Laure Chabanne & Étienne Guibert
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Maquette pour le plafond de l’une des cours d’assises du palais de justice de Paris
Henri Lehmann (Kiel, 1814 – Paris, 1882)

Illustrations de comparaison
La Loi
La Justice saisissant le coupable
Le Juge méditant la loi
La Justice apportant la Paix aux hommes
Le Juge incorruptible
Inscription

M.D.b.d. sur le panneau central : HL 1867

Historique

Acquis dans le commerce d’art parisien en 2006.

Commentaire

D’origine allemande, Henri Lehmann, élève d’Ingres, exécuta plusieurs décors à Paris tant pour des bâtiments civils (plafond de la galerie des Fêtes à l’Hôtel de Ville, 1852, détruit en 1871 ; hémicycle de la salle du Trône au palais du Luxembourg, 1854-1856) que religieux (un bras de la croisée de Sainte-Clotilde, 1854). Cette brillante carrière fut couronnée par son élection en 1864 comme membre de l’Institut, puis par sa nomination en 1875 comme professeur d’atelier de peinture à l’École des beaux-arts.
C’est en 1866 que Lehmann obtint la commande du décor d’une des deux salles d’audience du nouveau palais de justice de Paris construit par l’architecte Joseph Louis Duc (1802-1879)11. Léon Bonnat fut chargé de peindre la seconde salle d’audience. Sur l’ensemble des décors entrepris au palais de justice à cette époque, voir J. Grangedor, « Les derniers travaux d’art au palais de justice », dans Gazette des beaux-arts, t. XXV, 1er décembre 1868, p. 509-531. Cet article est illustré de gravures des quatre panneaux latéraux peints par Lehmann. Un dessin exécuté par Duc et son agence pour les moulures du plafond et correspondant à la disposition de notre modello a été publié dans Le Palais de Justice, Paris, Action artistique de la Ville de Paris, 2002, p. 254.. Il se composait d’un plafond comportant un médaillon ovale, figurant La Loi, placé au centre de quatre cartouches allégoriques représentant respectivement les sujets suivants : La Justice saisissant le coupable, dit aussi La Vindicte, Le Juge méditant la loi, dit aussi La Méditation, La Justice apporte la paix aux hommes, dit aussi La Concorde, et Le Juge incorruptible, dit aussi L’Intégrité, ainsi que d’un Crucifix sur fond d’or, entouré de deux allégories en grisaille (La Religion et La Philosophie), ornant le fond du prétoire. L’ensemble de ce décor, conçu à partir de septembre 1866 et exécuté en 1867, fut détruit le 24 mai 1871 lors de l’incendie du palais de justice. Il était jusqu’ici connu uniquement par les gravures à l’eau-forte exécutées par Achille Isidore Gilbert pour la Gazette des beaux-arts. Des esquisses peintes (non localisées) furent présentées à l’exposition posthume de Lehmann à l’École des beaux-arts. Il ne semble pas qu’il puisse s’agir de cet ensemble, car l’esquisse de La Loi y figura sous un numéro séparé, tandis que le montage de notre panneau semble original. Cette maquette ne figure pas dans le catalogue de la vente après décès de l’artiste et n’est pas répertoriée par Marie-Madeleine Aubrun dans sa monographie publiée en 1984. Elle était donc inédite lorsqu’elle réapparut en 2006 dans le commerce de l’art. Elle constitue le seul témoignage peint connu à ce jour de ce décor.
Les cinq panneaux sont présentés selon leur disposition dans le plafond. Des différences notables avec les compositions gravées par Gilbert sont observables. Les tables tenues par la Loi dans la composition centrale et par le Juge incorruptible ne sont pas gravées. De plus, la figure féminine tentant de séduire ce dernier porte une robe légère et largement décolletée aux épaules sur le modello, tandis que la gravure la montre lourdement voilée. Le motif de la colonne sur laquelle est accoudé le juge est également différent, de même que le tombé du drapé qui la recouvre. La composition centrale comporte aussi deux modifications importantes dans le traitement des drapés : dans la gravure, le pan droit du manteau de la Loi retombe sur le pommeau en tête de lion de son siège et le drapé de la figure aveuglée par la lumière de la vérité obscurcit totalement le ciel.
Ces manques ou amodiations confirment que cette maquette n’est pas une réplique peinte après exécution, mais un modello destiné à juger de l’effet des compositions, alors que le parti était presque totalement fixé, et sans doute à les présenter à l’architecte. Une étude datée du 1er novembre 1866 pour le personnage aveuglé par la lumière comporte le même effet de drapé que le modello (crayon Conté, collection privée22. Marie-Madeleine Aubrun, Henri Lehmann, 1814-1882 : catalogue raisonné de l’œuvre, 2 vol., Paris, Les amis d’Henri Lehmann, 1984, no 992.). De même, deux dessins préparatoires réalisés quelques jours plus tôt pour la figure de la Corruption montrent pour l’une une femme aux épaules nues et pour la seconde un drapé en écharpe autour du cou (datées du 29 octobre 1866, collection privée33. Marie-Madeleine Aubrun, Henri Lehmann, 1814-1882 : catalogue raisonné de l’œuvre, 2 vol., Paris, Les amis d’Henri Lehmann, 1984, no 1000 A et B.). Il semble hors de propos d’envisager ici une licence du graveur dans son interprétation, d’autant que les critiques reprochèrent à l’allégorie de la corruption son manque de clarté. Ainsi, le vicomte Henri Delaborde aurait-il souhaité que « les tentatives de séduction fussent mieux expliquées par les charmes du visage et de la personne » de cette figure (Revue des deux mondes, 1869), sans aucun doute plus sensibles dans le modello que dans l’œuvre définitive.
La pratique du modello est attestée chez Lehmann dans le cadre d’autres commandes monumentales. Il exécuta vingt-huit esquisses sur carton pour la galerie de l’Hôtel de Ville (musée Carnavalet), qui furent dispersées à sa vente après décès les 2 et 3 mars 1883 (Paris, hôtel Drouot, no 88 à 91), par lots de sept dans un même cadre. Pour les deux décors en cul-de-four du palais du Luxembourg (La France sous les Mérovingiens et les Carolingiens et La France sous les Capétiens, les Valois et les Bourbons), deux modelli peints sur maquette en plâtre sur support bois (0,51 × 0,93, musée Carnavalet, INV. P 1085 pour les deux, don de Madame Hochon, 191244. Marie-Madeleine Aubrun, Henri Lehmann, 1814-1882 : catalogue raisonné de l’œuvre, 2 vol., Paris, Les amis d’Henri Lehmann, 1984, no 933 et 951.), signés « HL 55 », de la même manière que notre maquette, témoignent du soin pris par Lehmann à concevoir le décor en fonction de son cadre architectural. Toutefois, ces différents modelli présentent un caractère d’esquisse plus marqué que celui-ci, dont l’exécution est relativement poussée. La conception en est soigneuse : la mise au carreau est encore visible sous plusieurs compositions, de même que le tracé préparatoire des figures, en bleu ou en noir. Le montage semble être d’origine. Les panneaux ont été numérotés au crayon, chiffres reportés également sur le cadre au niveau des moulures. Le papier journal employé au revers date pour un morceau au moins du 4 mai 1859. Une seule trace de repentir semble visible autour de la figure de la Loi dans le panneau central – peut-être était-elle initialement assise sur un trône à large dossier rond. Duc, architecte du palais de justice, avait la réputation d’être particulièrement exigeant avec les artistes travaillant au décor de ses ouvrages et de surveiller attentivement leurs projets, ce qui pourrait expliquer la qualité de ce modello.
On notera la force du coloris et la recherche iconographique, ainsi que la fermeté du dessin et l’habileté du compositeur à faire jouer les figures au sein des encadrements architecturaux, traits qui caractérisent l’art de Lehmann et font de lui un grand décorateur du Second Empire.

Auteur du commentaire : Laure Chabanne

1. Léon Bonnat fut chargé de peindre la seconde salle d’audience. Sur l’ensemble des décors entrepris au palais de justice à cette époque, voir J. Grangedor, « Les derniers travaux d’art au palais de justice », dans Gazette des beaux-arts, t. XXV, 1er décembre 1868, p. 509-531. Cet article est illustré de gravures des quatre panneaux latéraux peints par Lehmann. Un dessin exécuté par Duc et son agence pour les moulures du plafond et correspondant à la disposition de notre modello a été publié dans Le Palais de Justice, Paris, Action artistique de la Ville de Paris, 2002, p. 254.
2. Marie-Madeleine Aubrun, Henri Lehmann, 1814-1882 : catalogue raisonné de l’œuvre, 2 vol., Paris, Les amis d’Henri Lehmann, 1984, no 992.
3. Marie-Madeleine Aubrun, Henri Lehmann, 1814-1882 : catalogue raisonné de l’œuvre, 2 vol., Paris, Les amis d’Henri Lehmann, 1984, no 1000 A et B.
4. Marie-Madeleine Aubrun, Henri Lehmann, 1814-1882 : catalogue raisonné de l’œuvre, 2 vol., Paris, Les amis d’Henri Lehmann, 1984, no 933 et 951.
Index

Genre :
Peinture d’histoirePeinture allégorique
Esquisses

Index iconographique :
Femme ; glaive ; homme

Copyrights

Étapes de publication :
2020-06-15, publication initiale de la notice rédigée par Laure Chabanne

Pour citer cet article :
Laure Chabanne, Maquette pour le plafond de l’une des cours d’assises du palais de justice de Paris, dans Catalogue des peintures du château de Compiègne, mis en ligne le 2020-06-15
https://www.compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=518

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